Delanoë sur orbite

Presque assuré de sa réélection, le maire de Paris veut frapper fort dès le premier tour des municipales. Afin d’apparaître comme le candidat naturel de la gauche pour la présidentielle de 2012.

Publié le 25 février 2008 Lecture : 4 minutes.

Bien sûr, une élection n’est jamais gagnée d’avance, mais on voit mal ce qui pourrait empêcher Bertrand Delanoë de prolonger son bail à l’Hôtel de Ville à l’issue des élections municipales des 9 et 16 mars. Les trois quarts des Parisiens approuvent son action et tous les sondages accordent à la liste socialiste qu’il conduit une large avance sur celle de Françoise de Panafieu, sa concurrente de droite.
Professionnel de la communication (il dirigea pendant plusieurs années une agence de publicité), monsieur le maire n’a pas son pareil pour mettre en scène ses réalisations : de « Paris Plage » à « Nuit blanche » en passant par le tramway des boulevards des Maréchaux ou l’opération « Vélib’ ». Oubliée, la défaite de Paris face à Londres pour l’attribution des jeux Olympiques de 2012 Pardonnés, les embarras de la circulation provoqués par ses encombrants alliés écologistes À l’heure du bilan, les Parisiens ne semblent retenir que le meilleur de son action. Et accorder crédit à ses promesses de lendemains qui chantent dans une capitale qui a perdu de son attractivité économique au profit de la province et dont la démographie donne des signes de faiblesse.
C’est que Delanoë est en phase avec ses administrés. En 2001, écurés par les innombrables « affaires » dans lesquelles la droite municipale était engluée, ces derniers décidèrent de faire confiance à ce « monsieur Propre » dont l’apparente modestie tranchait avec la morgue des barons du défunt RPR. Chef de file de l’opposition parisienne depuis 1993, ce proche de Lionel Jospin (il fut porte-parole du Parti socialiste entre 1981 et 1983) avait réussi à gommer son image d’apparatchik pour imposer celle d’un élu de terrain.

Des prolos aux bobos
Lui que ses détracteurs accusaient de manquer de charisme résista avec brio à la blitzkrieg déclenchée par Jack Lang, l’inamovible ministre de la Culture de François Mitterrand, en vue de décrocher l’investiture du PS dans la capitale. Avant de battre à plate couture, un an plus tard, une droite empêtrée dans ses combats fratricides La force de Delanoë est d’avoir tiré toutes les conséquences de la mutation sociologique qui, depuis trente ou quarante ans, a fait perdre à la ville sa composante ouvrière pour la transformer en capitale des « bourgeois-bohème », les désormais célèbres « bobos ». Mais qu’on ne s’y trompe pas : derrière l’image patiemment lissée se dissimule un personnage au caractère trempé. Et qui ne manque pas d’ambition.
Né à Tunis en 1951, au temps de la colonisation, il a passé les quatorze premières années de sa vie à Bizerte, où son père, fonctionnaire, exerçait la profession de géomètre. Il conserve de cette période un fort tropisme maghrébin et passe, chaque été, quelques semaines « au pays ». En 1974, jeune militant socialiste, il quitte définitivement Rodez et l’Aveyron, où sa mère s’était établie, pour Paris, où il devient permanent du PS, rue de Solferino. Avec Claude Estier, Daniel Vaillant et Lionel Jospin, ses copains de la « bande du 18e » arrondissement, Delanoë, que ses camarades surnomment « Mickey », travaille sans ménager sa peine pour François Mitterrand. Élu conseiller de Paris dès 1977, il entre, quatre ans plus tard, à l’Assemblée nationale.
Ami de nombreux artistes, notamment la chanteuse Dalida, il est à l’époque un habitué des fêtes parisiennes. Mais il cloisonne hermétiquement ses différentes vies. Goût du secret, pudeur, volonté de ne pas mélanger les genres ? Sensible et attachant en privé, il se montre à l’occasion autoritaire, coléreux voire hautain en public. Exigeant avec lui-même, il est aussi dur avec ses collaborateurs que séducteur avec les journalistes.
Les sondages qui lui promettent une réélection aisée le mettent en rogne. Angoissé de nature mais, surtout, fin politique, Delanoë redoute que cette victoire prématurément annoncée ne démobilise son électorat au premier tour. Or il a besoin d’une victoire éclatante. Car il veut ne rien devoir à personne pour pouvoir gouverner seul. En 2001, il avait dû composer avec les écologistes, qui, à l’usage, se sont révélés des alliés indociles. Cette année, le danger viendra surtout du centre : la liste Modem conduite par Marielle de Sarnez, une proche de François Bayrou, pourrait capter entre 8 % et 10 % des voix. Surtout, il voit plus loin. Entré dans le cercle très fermé des présidentiables, il ne cache plus ses ambitions nationales. S’il veut être en mesure de briguer l’Élysée en 2012, il doit frapper les esprits en apparaissant comme le candidat naturel de la gauche.

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Barrage anti-Royal
Le maire de Paris a retenu la leçon des élections régionales de 2004. Alors que le PS l’avait emporté dans 20 des 22 régions, les médias avaient d’abord retenu la victoire de Ségolène Royal sur les terres poitevines de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Ce qui avait ipso facto propulsé cette dernière sur orbite présidentielle. Delanoë veut donc triompher à Paris pour arriver en position de force au congrès du PS, d’ici à la fin de l’automne, afin d’empêcher la rivale malheureuse de Nicolas Sarkozy de s’emparer du poste de premier secrétaire. Sachant pouvoir compter sur l’appui des jospinistes historiques et la bienveillance des amis de Dominique Strauss-Kahn, il a entamé un rapprochement avec ceux de Laurent Fabius. Bref, il espère rallier tous ceux que « la Dame en blanc » exaspère – et ils sont légion dans l’appareil du parti.
Quoi qu’il en soit, il ne commettra certainement pas l’erreur de dévoiler ses cartes avant les municipales. En septembre 2007, lors de l’université d’été du PS, il avait, devant un auditoire tout acquis à sa cause, tenu un discours digne d’un premier secrétaire. Du coup, les médias s’étaient alors empressés de monter en épingle sa rivalité avec Ségolène Depuis, il a appris à refréner ses impatiences. Il n’a pas encore définitivement arrêté son plan de bataille, mais il ne fait aucun doute qu’il ne sera candidat à la direction du PS que s’il a l’assurance d’une victoire incontestable. À défaut, Bertrand Delanoë soutiendra une candidature de consensus ou de transition, l’essentiel étant de faire barrage à Royal. Afin de garder toutes ses chances pour l’investiture socialiste à la prochaine présidentielle

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