[Chronique] Le Royaume-Uni va restituer à l’Éthiopie les cheveux du negus Tewodros II

La restitution, par d’anciens colons, du patrimoine africain pillé ne concerne pas que des œuvres d’art. Deux mèches de cheveux impériales vont ainsi être rendues à l’Éthiopie.

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Publié le 8 mars 2019 Lecture : 2 minutes.

Curiosité anthropologique malsaine ? Les colons du XIXe siècle ne dédaignaient pas les trophées humains comme le crâne de Lusinga déporté, en 1884, du Congo vers la Belgique. Quelques années plus tôt, en 1868, lors de la bataille de Maqdala, les soldats britanniques s’étaient contentés de couper des cheveux de l’Éthiopien Tewodros II, l’empereur qui s’était suicidé le 13 avril à l’issue des affrontements. À croire que les Occidentaux judéo-chrétiens avaient trop lu l’épisode de la Bible qui attribue au dénommé Samson une force extraordinaire intrinsèquement liée à la longueur de ses cheveux…

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Il aura donc fallu attendre un siècle et demi pour que le musée de l’Armée nationale du Royaume-Uni accepte de rendre deux mèches de Tewodros II à Addis-Abeba. C’est une exposition récente de ces cheveux qui a mis le feu aux poudres. En avril 2018, Hirut Woldemariam, le ministre éthiopien de la Culture et du tourisme, s’insurgeait : « Montrer des restes humains sur des sites Internet et dans des musées est inhumain. »

Vers une restitution de la dépouille de son fils ?

Profitant de la tendance à la restitution de biens pillés pendant la période coloniale, Woldemariam envoya alors une requête officielle de rapatriement des mèches. Tout en acceptant la demande éthiopienne, le musée britannique a prétendu ne posséder ces restes que depuis 1959. Semblant écarter tout souvenir d’un pillage militaire, l’institution a déclaré que les cheveux leur auraient été offerts par la famille d’un artiste ayant peint Tewodros II sur son lit de mort.

Qui pourrait réfuter que la reconstitution d’une identité violée par la colonisation passe autant par l’intégrité des dépouilles que par la restitution d’œuvres de l’esprit ?

Qui ne se sent pas morveux ayant tout de même le droit de se moucher, les reliques devraient rejoindre le corps du negus enterré au monastère de la Sainte-Trinité, dans le nord de l’Éthiopie. Qui pourrait réfuter que la reconstitution d’une identité violée par la colonisation passe autant par l’intégrité des dépouilles que par la restitution d’œuvres de l’esprit ? L’ambassade éthiopienne à Londres prévoit même « une démonstration d’euphorie » au retour des extraits de toison, indiquant que ces cheveux représentent les restes de l’un des dirigeants « les plus vénérés » du pays.

L’occasion faisant le larron, les autorités éthiopiennes actuelles – qui ont d’ailleurs bonne presse en Occident – souhaitent, dans la foulée, récupérer la dépouille du fils de l’empereur Tewodros II, réclamée depuis 2007. À la même époque que la coupe de cheveux post-mortem, Alemayehu, âgé de trois ans, avait été enlevé par les Britanniques. Mort en Angleterre à l’âge de 18 ans, il est actuellement le seul membre d’une famille royale étrangère enterré à la chapelle Saint-Georges du château de Windsor.

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