Guinée : les employés d’Intercel attendent toujours les trois millions d’euros promis par leur ancien employeur
Les travailleurs de la société de téléphonie Intercel, qui a cessé ses activités en Guinée en octobre 2018, n’ont toujours pas obtenu les dédommagements que leur ancien employeur s’était engagé à leur verser, pour un montant total de 30 milliards de francs guinéens.
Mercredi 6 mars 2019. Au siège d’Intercel à Kaloum, c’est porte close. Une partie de la logistique, dont des véhicules recouverts de poussière, les pneus crevés, est laissée aux intempéries. Dans la cour, une dizaine d’anciens travailleurs ayant répondu à l’appel de leur syndicat discutent en petits groupes.
« Nous nous sommes fait avoir », lâche l’un d’eux. L’intéressé exprime ainsi sa déception face à l’inapplication du point 2 du protocole d’accord signé le 7 novembre 2018 entre la direction générale d’Intercel Guinée et la délégation syndicale en vue d’une séparation à l’amiable. La société, qui croulait sous des dettes estimées à cent millions de dollars, venait de mettre la clé sous la porte, sur décision des autorités guinéennes.
« La Fédération syndicale autonome des télécommunications, Fesatel, est ce matin dans les locaux d’Intercel pour expliquer à l’opinion la situation des travailleurs », a précisé d’entrée le secrétaire général dudit syndicat, Abdoulaye Barry.
Une direction injoignable
« Dans le protocole d’accord, a-t-il poursuivi, il était clairement mentionné le règlement des droits légaux. Il fallait aussi payer vingt-quatre mois (de salaires, ndlr) comme mesures d’accompagnement, régulariser les cotisations à la Caisse nationale de sécurité sociale, payer l’assurance maladie pour un an ». Depuis 2015, la société n’aurait pas versé les cotisations sociales de ses quatre-vingt dix employés déplore le secrétaire général de la Fesatel qui impute la fermeture d’Intercel au « mauvais management de la direction ».
Seul le premier point relatif aux droits légaux a été satisfait, quatre mois après la conclusion de l’accord de sortie de crise signé à Conakry par Tarig Rahamtalla, directeur général d’Expresso, la filiale du soudanais Sudatel qui avait racheté Intercel en 2012. « Effectivement, le point relatif aux mesures d’accompagnement n’est pas satisfait », confirme de son côté l’Inspection générale du travail, l’autre signataire de l’accord. « Nous avons nous-mêmes du mal à mettre main sur la direction générale d’Intercel qui ne répond pas au téléphone ».
Adama Barry, l’avocate guinéenne de la société, a confié à Jeune Afrique les démarches qu’elle a entreprises auprès de son client pour faire respecter le point 2 de l’accord. Constituée pour négocier le licenciement « pour motif économique » du personnel, Me Barry explique que la question des mesures d’accompagnement dépassait les attributions du conseil de liquidation et de la direction générale d’Intercel.
Des mesures « nécessaires et urgentes »
Elle nécessitait l’avis du conseil d’administration qui se réunit trois fois par an. « Sur les mesures d’accompagnement et les autres préoccupations, la délégation syndicale adressera un courrier au conseil d’administration pour examen », précise effectivement le point 3 de l’accord consulté par Jeune Afrique. Un courrier et une note de rappel ont été transmis au CA lors de sa réunion de janvier 2019. Mais depuis cette date, « on n’a pas eu de retour », confie l’avocate, qui précise que la direction ne lui a pas non plus notifié de refus de payer les mesures d’accompagnement. « Je ne saurai juger de sa bonne ou mauvaise foi », déclare-t-elle.
Adama Barry assure que son client a compris « la nécessité et l’urgence » à payer les mesures d’accompagnement aux travailleurs « qui ont contracté des dettes, dont les familles se sont disloquées… » « J’ai moi-même fait du paiement des mesures d’accompagnement un point d’honneur », conclut l’avocate.
La Fédération syndicale autonome des télécommunications appelle à la solidarité des employés des autres sociétés de téléphonie, rappelant que « quand un seul est touché, cela doit affecter tout le monde ».
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