Allô maman, bobo…

Être adoré ou détesté, la figure maternelle inspire les romanciers. À l’instar de Tahar Ben Jelloun.

Publié le 25 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Le dernier roman que Tahar Ben Jelloun vient de faire paraître chez Gallimard est très sobrement intitulé Sur ma mère. L’écrivain marocain, Prix Goncourt 1987 (avec La Nuit sacrée, au Seuil), y raconte les dernières années, assombries par la maladie d’Alzheimer, de la femme qui lui a donné le jour, en 1944. Tout en décrivant les manifestations de son déclin physique et mental, il reconstitue, bribes par bribes, sa vie dans la ville de Fès des années 1930 et 1940.
Cet hommage filial n’a guère convaincu la critique. Elle lui a préféré Partir, du même auteur, sorti en janvier 2006 (chez Gallimard également) et qui tourne autour de l’émigration marocaine en Europe. La même critique, en revanche, a salué le cri d’amour maternel d’un autre lauréat du Goncourt (pour L’Ogre, en 1973), Jacques Chessex. Dans Pardon, mère (Grasset), l’écrivain suisse, dont l’uvre est un défi permanent à la rigueur morale de la prude société vaudoise, se livre à une poignante contrition.
Ces deux romanciers célèbres ne sont pas les seuls à s’emparer de la figure maternelle. Pour en rester aux livres dont elle apparaît dans le titre, on relève, parmi les parutions récentes, La Mère horizontale (Albin Michel) de Carole Zalberg, galerie de femmes dont l’instinct maternel n’est pas la vertu première, et Ma mère, à l’origine d’Emmanuel Pons (Arlea), où le héros, ayant hérité d’un joli magot à la mort de sa maman, va s’employer à le faire fructifier en Bourse (c’est dans l’air du temps). Il y a peu, à la fin de 2007, le prix Femina étranger a été décerné au Britannique Edward Saint Aubyn pour Le Goût de la mère (Christian Bourgois).
Qu’ont-ils tous à écrire sur leur génitrice ? On se souvient qu’en 2005 le Franco-Belge François Weyergans a décroché le prix Goncourt avec un livre, Trois jours chez ma mère (Grasset), dont son adorable vieille maman est (avec l’écrivain lui-même) le personnage central. Et, puisque l’on remonte le temps, on ne peut pas ne pas citer quelques grands titres de la littérature occidentale : La Mère de Maxime Gorki, Mère courage de Bertolt Brecht, La Mère de Pearl Buck, Le Château de ma mère de Marcel Pagnol. Sans oublier le chef-d’uvre des chefs-d’uvre, Le Livre de ma mère d’Albert Cohen, qui ne peut que submerger d’émotion tout fils pleurant sa maman disparue.

Egoïsme masculin
La mère est célébrée différemment chez les écrivains subsahariens, traditionnellement moins tournés vers l’autofiction. Sublimée, certes, mais présentée souvent en tant que victime de l’égoïsme masculin. Pour ce qui concerne le Maghreb, se détache le bouleversant La Civilisation, ma mère (Le Seuil), où Driss Chraïbi montre une femme marocaine se libérant des carcans sociaux et de l’aliénation conjugale.
Si elle hante l’écrivain, la figure maternelle ne prend pas toujours la forme d’un être adoré. Elle peut même susciter la détestation comme la mère fouettard dans Poil de carotte de Jules Renard ou la Folcoche de Vipère au poing d’Hervé Bazin.
Sur ce thème comme sur bien d’autres, on le voit, la littérature est là pour dire à la fois la diversité du monde et l’universalité des sentiments humains.

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