Adiós Fidel !

Éloigné du pouvoir par la maladie depuis dix-huit mois, le père de la révolution a annoncé le 18 février qu’il renonçait, à 81 ans, à diriger son pays. Retour sur un demi-siècle de castrisme…

Publié le 25 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Au Jurassic Park des dinosaures du pouvoir, il était le dernier, et cette solitude avait sans doute fini par lui peser. Depuis longtemps, Fidel Castro n’était plus qu’une relique, un musée à lui tout seul que l’on revisitait parfois pour se souvenir de la guerre froide, de la baie des Cochons, de la crise des missiles et des années Khrouchtchev-Kennedy, qui furent son âge d’or. En quarante-neuf années – un demi-siècle ! – d’absolutisme, le « comandante en jefe » aura défié dix présidents américains et échappé à 638 tentatives d’assassinat (décompte officiel et non contractuel), avant de déposer les armes, non sans élégance, devant le seul adversaire auquel il ne pouvait pas résister : la maladie. L’Histoire retiendra donc que le camarade Fidel Castro Ruz est mort une première fois dans la nuit du 18 au 19 février 2008 et qu’il rédigea lui-même le faire-part, diffusé sur le site Internet de Granma, cette Pravda des Caraïbes.
Pour le reste, que dire de son héritage qui n’ait déjà été ressassé mille fois ? Que pèsent les acquis positifs du castrisme pour les onze millions de Cubains, particulièrement les plus pauvres – progrès sociaux, santé et éducation pour tous – face à la dictature, aux violations des droits de l’homme et au marasme économique ? Quelle image les Africains conserveront-ils de lui ? Celle du libérateur de l’« opération Carlotta », dont l’intervention permit de repousser les Sud-Africains d’Angola, précipita l’indépendance de la Namibie et contribua à miner le régime de l’apartheid ? Ou celle du caudillo trop longtemps agrippé aux commandes et dépassé par la date de péremption, archétype de l’autocrate dont plus personne ne veut ? Une chose est sûre : quand la mort – physique, celle-là – aura frappé une seconde fois à la porte du vieux Fidel et que l’heure sera venue de lui accorder son solde de tout compte, il faudra bien que l’on souligne l’énorme responsabilité des États-Unis dans le naufrage cubain. D’Eisenhower à Bush, l’Amérique a poursuivi une absurde politique de déstabilisation et d’embargo, à la fois stupidement contre-productive – elle n’a fait que prolonger la survie du régime communiste – et totalement illégale au regard du droit international. Chaque année depuis des lustres, rituellement, l’Assemblée générale de l’ONU procède à un vote sur ce sujet. Résultat immuable : 184 voix contre le blocus de Cuba et quatre pour – les États-Unis, Israël, plus deux micro-États du Pacifique, Palau et les îles Marshall. Une farce.
Pourtant, on ne devrait pas tarder à s’apercevoir qu’en se retirant du pouvoir Fidel Castro a rendu à ses compatriotes un service aussi précieux que celui qu’il leur offrit il y a un demi-siècle en renversant le dictateur Batista. Même s’il se réserve le droit, tant qu’il lui restera un souffle de vie, d’incarner une révolution ossifiée et de jouer les gardiens du temple, Castro, qui cumulait les fonctions de président du Conseil d’État, de président du Conseil des ministres, de Premier secrétaire du Parti communiste et de chef suprême des armées, va laisser la place au changement et à l’ouverture. Une évolution mesurée, prudente, contrôlée, mais réelle. Une affaire de mois, pas de génération, sous la houlette d’une transition complexe qui inclura sans doute à la fois la vieille garde représentée par le frère cadet Raúl, 76 ans, et par le président de l’Assemblée nationale Ricardo Alarcón, et ceux qui ont grandi avec la révolution, tels Carlos Lage Dávila (vice-président et Premier ministre de facto) et Felipe Pérez Roque, le ministre des Affaires étrangères. Pour peu que le prochain président des États-Unis soit moins idéologue et plus pragmatique que l’actuel – ce qui est probable -, les Cubains pourront enfin espérer pouvoir conjuguer socialisme et liberté.
En ne conservant, à titre très provisoire, que le pouvoir de donner son avis, le patriarche s’interdit de peser durablement sur les inévitables réformes. Peut-être se consolera-t-il en observant Hugo Chávez, son fils spirituel, assurer la continuité de son épopée symbolique. Il est peu probable, par contre, qu’il se soucie de savoir qui lui a succédé au palmarès des plus anciens chefs d’État en exercice de la planète. Si l’on exclut la reine d’Angleterre et le roi de Thaïlande, dont le pouvoir est purement formel, c’est désormais le président gabonais Omar Bongo Ondimba (depuis 1967) qui accède à la première marche du podium. Suivi de peu par le Libyen Mouammar Kadhafi (1969). Deux Africains, donc. On a les records qu’on peut

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