L’honneur du journalisme

Publié le 4 janvier 2008 Lecture : 2 minutes.

Le journalisme est une profession qui exige beaucoup de précision et de rigueur intellectuelle ; sinon, ça peut mener à n’importe quoi. On en a eu un exemple récent, ici, en Hollande, un exemple qui aurait pu avoir des conséquences graves. Tout commence quand un journal de dernière catégorie, quasiment une feuille de chantage, publie un article selon lequel trente (je dis bien: trente) maisons de retraite à Amsterdam sont terrorisées par de jeunes Marocains. Il y a de quoi frémir d’indignation, et je dois dire que j’ai frémi, comme je suis sûr que vous frémissez comme une feuille au vent, sur votre chaise. C’est un scandale! Touche pas à mon (petit) vieux! Que fait le gouvernement ? Rétablissons les maisons de corrections, le bagne et la relégation, voire la roue et le pal! Pendons haut et court ces petits criminels qui ne respectent pas les cheveux blancs de nos aînés!

HEUREUSEMENT, IL Y A EU UN JOURNALISTE, un vrai, qui, au lieu de frémir, est allé voir l’auteur de l’article pour lui demander d’où il tenait son information. Celui-ci l’a orienté vers un obscur sociologue qui fait la statistique de tous les incidents qui se produisent dans les quartiers de la ville. Et là, notre intrépide journaliste découvre d’abord qu’il ne s’agit pas de trente maisons de retraite mais de quelques maisons de retraite. La feuille de chantage avait d’autorité transformé « quelques » en « trente » au prétexte que ses lecteurs ne savent pas très bien ce que veut dire « quelques »; il faut donc les aider en mettant un chiffre, n’importe lequel, disons: trente. Ensuite, en fait de terreur, le sociologue s’était contenté de noter tous les cas où il y avait eu contact, plus ou moins inamical, entre les petits vieux et les jeunes du quartier, dont beaucoup sont effectivement d’origine marocaine.

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ON SE RÉSUME: un petit vieux ou une petite vieille marche précautionneusement sur le trottoir ; au même moment, des gamins sont en train de jouer au foot sur le trottoir, ils ne s’écartent pas assez vite (on a tous connu ça, quand on joue au foot, on est tellement absorbé, les yeux rivés sur le ballon, qu’on ne fait pas attention à ce qu’il y a autour), donc le gamin ne s’écarte pas, le petit vieux est obligé de s’arrêter, il s’énerve, il fulmine, il peste, et cela s’appelle un incident, dûment rapporté à direction de la maison de retraite. Dix incidents du même type deviennent: « les jeunes terrorisent les vieux ». Notre journaliste a sauvé l’honneur de la profession en allant vérifier à la source. Mais s’il ne l’avait pas fait ? En tout cas, la première fois qu’une gazette clamera « graves tensions sociales au Pérou », espérons qu’un vrai journaliste sera là pour établir qu’à Lima un gus a marché par inadvertance sur les orteils d’un autre

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