[Tribune] L’Afrique doit faire jouer la concurrence entre bailleurs
L’Afrique de l’Est est un carrefour stratégique qui concentre les grands défis de notre siècle, dont le développement durable et les enjeux géopolitiques. Cette situation nous confère une responsabilité : nous devons relever ces défis en mettant notre ambition au service du continent.
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Aboubaker Omar Hadi
Aboubaker Omar Hadi est président directeur général de l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti (DPFZA).
Publié le 13 mars 2019 Lecture : 3 minutes.
Si ces enjeux sont majeurs, nos atouts le sont tout autant. Capitaliser sur ces atouts, voilà en substance la politique mise en place par Djibouti.
Djibouti se trouve à la croisée des chemins entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Ce carrefour est un nœud de communications où passent certaines des routes maritimes les plus importantes de la planète. Dans un monde où 80 % des échanges commerciaux se font par voie de mer, les ports sont le moteur de la mondialisation.
Désenclavement
Ainsi, notre devoir était d’abord de développer des infrastructures maritimes modernes capables de pourvoir aux besoins de la région. Ces ports étant désormais fonctionnels et performants, nous travaillons quotidiennement à renforcer nos liens avec les pays de la région.
Le train qui relie Djibouti à Addis-Abeba, premier chemin de fer électrique transnational d’Afrique, est à ce titre remarquable. Non seulement il divise par trois le temps de trajet entre nos capitales, mais il offre à l’Éthiopie, une des plus importantes économies d’Afrique, un accès direct à la mer.
Sans circulation des biens et des individus, il n’y a pas de pleine intégration à la mondialisation
Mais là ne s’arrête pas notre ambition. Un train transcontinental qui relierait l’océan Indien à l’Atlantique, libérant du joug de l’enclavement de si nombreux pays, l’idée n’est pas neuve : la puissance coloniale l’avait imaginé dès le début du XXe siècle. Le défi est considérable, les investissements nécessaires le sont aussi. Pourtant, sans circulation des biens et des individus, il n’y a pas de pleine intégration à la mondialisation.
Politique pro-entreprise
Alors que les Objectifs de développement durable (ODD) ont fait de 2030 une échéance majeure pour l’amélioration de la qualité de vie de tous, les enjeux en Afrique sont pressants. Comptant 1,2 milliard d’habitants en 2017, le continent devrait avoisiner les 2,5 milliards en 2050.
Sa population pourrait quadrupler pour atteindre 4,4 milliards en 2100. D’ici à la fin du siècle, un humain sur trois vivra en Afrique. Le devoir du continent est de tout mettre en œuvre pour permettre à ses habitants de vivre mieux. C’est pourquoi l’investissement dans le capital humain est une priorité. Quand je rencontre des investisseurs de tous horizons, il est toujours question de formation et de transfert de connaissances.
>>> À LIRE – Djibouti : à la conquête de la nouvelle route de la soie
L’Afrique va donc avant tout devoir produire des emplois. Le secteur privé tiendra évidemment un rôle majeur, et les États vont devoir favoriser son épanouissement. La politique pro-entreprise mise en place par le gouvernement de Djibouti a été saluée par les institutions internationales, Banque mondiale en tête. Dans le classement « Doing Business », Djibouti a fait un bond de 55 places l’an passé, intégrant le top 100.
La colonisation n’a pas permis d’installer des rapports commerciaux équilibrés entre les différents continents, c’est là un euphémisme. Au cours des dernières décennies, les indépendances des pays africains ont permis un certain rééquilibrage. Les évolutions technologiques récentes, l’accélération des échanges et l’affirmation de nouvelles puissances ont considérablement changé la donne.
La Banque africaine de développement estime à environ 150 milliards de dollars par an les besoins du continent en infrastructures
Sans tourner le dos à ses bailleurs traditionnels, l’Afrique est en mesure de faire jouer la concurrence pour financer son développement. Et les besoins sont considérables. La Banque africaine de développement estime à environ 150 milliards de dollars par an les besoins du continent en infrastructures, avec un déficit de financement de l’ordre de 68 à 108 milliards de dollars.
Notre continent regorge donc d’opportunités pour les entreprises souhaitant faire croître leurs investissements. Lors de la création du Conseil présidentiel pour l’Afrique, Emmanuel Macron a affiché sa volonté de rompre avec les dérives de la Françafrique. Avec une mission claire attribuée au nouvel organe : « Formuler des propositions d’action sur des secteurs d’avenir de la relation entre la France et l’Afrique tels que l’entrepreneuriat, l’innovation, le développement durable. »
De nombreuses entreprises françaises œuvrent à Djibouti, et notre souhait est d’en attirer plus encore. La nouvelle zone franche internationale, qui deviendra à terme la plus importante d’Afrique, offre un cadre exceptionnel pour opérer depuis notre continent tout en se projetant sur le monde.
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