La victoire en chantant

Publié le 4 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

« Je franchirai ce pont quand le moment sera venu. » C’est en ces termes que Jacob Zuma a, le 20 décembre, répondu à la menace d’une inculpation imminente par le Parquet général, pour corruption et fraude fiscale. Une réaction révélatrice du mode de fonctionnement du nouveau président du Congrès national africain (ANC), élu deux jours auparavant par la 52e conférence nationale avec 60 % des voix : il est résolu à franchir un à un les nombreux obstacles dressés sur sa route vers le pouvoir.
C’est avec des cris de joie, des danses et des chants que les militants de l’ANC ont accueilli la proclamation du résultat Lors de son procès, qui devrait se tenir en 2008, Zuma aura probablement droit à quelques mauvaises surprises, mais il les affrontera, cette fois, en position de force.
Ces assises « historiques », comme il les a qualifiées, ont fait bouger toutes les lignes au sein du parti et aboutiàuncomplet bouleversement de l’équipe dirigeante. Les proches de Zuma monopolisent désormais le « Top 6 » (Kgalema Motlanthe, Baleka Mbete, Gwede Mantashe, Thandi Modise et Matthew Phosa) et font une entrée en force au Comité national exécutif (NEC), l’organe (80 membres) qui fixe l’orientation du parti. Si Trevor Manuel, le fidèle ministre des Finances de Mbeki, y conserve sa place, Phumzile Mlambo-Ngcuka, l’actuelle vice-présidente du pays, en est écartée, de même qu’Essop Pahad, le bras droit de Mbeki, et Ronnie Kasrils, le ministre du Renseignement. Quant à Nkosazana Dlamini-Zuma, ministre des Affaires étrangères et colistière de Mbeki, elle n’arrive qu’en 35e position sur la liste des élus.
Kgalema Motlanthe, le candidat de Zuma à la vice-présidence, l’a, lui aussi,emporté haut la main. Homme de l’ombre et fin connaisseur des arcanes d’un parti dont il fut le secrétaire général dix ans durant, il possède un double atout : il a défendu
Zuma au moment de son limogeage de la vice-présidence, en 2005, mais sans jamais couper les ponts avec les partisans de Mbeki. À l’avenir, son rôle a toute chance d’être déterminant. Si Zuma accède à la magistrature suprême en 2009, Motlanthe sera le favori pour le poste de vice-président. Si, à l’inverse, son patron est reconnu coupable de corruption, il serait un candidat de substitution tout trouvé.
Pour signifier plus nettement encore leur désir de changement à une direction dont ils contestent l’attitude distante, sinon méprisante, à leur égard, les militants (parmi lesquels beaucoup de jeunes possédant une culture politique bien différente de celle de leurs aînés) ont jeté un autre pavé dans la mare en plaçant Winnie Madikizela-Mandela, l’ex-épouse de « Madiba », en tête des élus au NEC. Comme Zuma, l’ancienne dirigeante de la puissante Ligue des femmes de l’ANC a eu des démêlés avec la justice, a été dénigrée par l’intelligentsia et jugée politiquement morte.
Comme Zuma, elle est restée populaire et revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Le message adressé à Mbeki ne saurait être plus clair. « L’une des leçons à retenir de cette conférence, a résumé Zuma, est que les militants reprennent inévitablement le dessus dès lors que leurs dirigeants se montrent incapables de relever les défis auxquels ils sont confrontés. »
Quoi qu’il en soit, l’ANC a démontré la vigueur de la démocratie en son sein. Dans combien d’autres pays africains le détenteur du pouvoir pourrait-il ainsi être désavoué par les militants de son propre parti ? Après plusieurs mois de guerre larvée, l’heure est aujourd’hui à l’apaisement. Le très extraverti et très combatif Jacob Zuma a fait preuve d’une notable retenue lors de son discours de clôture. S’adressant à son « camarade, ami, frère et leader » Thabo Mbeki, avec lequel il n’aurait jamais imaginé être un jour « en concurrence pour le même poste », il a estimé que l’existence de deux centres de pouvoir (la présidence du pays, tenue par Mbeki jusqu’enavril 2009, et celle de l’ANC) ne représentait pas un danger. « La nouvelle politique de l’ANC définie lors de cette conférence ne marque pas un changement radical par rapport à celles qui ont été menées depuis la fin de l’apartheid. La communauté économique, en Afrique du Sud et à l’étranger, n’a aucune raison de s’inquiéter. Le camarade Mbeki et moi travaillerons de concert. » Seul changement d’orientation évoqué dans cette première intervention de Zuma: la priorité désormais donnée à la lutte contre la criminalité et le sida. Des sujets, il est vrai, que les Sud-Africains reprochent à Mbeki d’avoir négligés

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