L’année des changements

Publié le 4 janvier 2008 Lecture : 6 minutes.

L’année 2007 s’achève sur une annonce tonitruante, qui résonne bien au-delà du continent africain : la République sud-africaine, qui est le plus important pays d’Afrique, va changer d’équipe gouvernementale et, par voie de conséquence, de rythme économique.
Ayant péché par excès d’orthodoxie et de prudence socio-économiques, Thabo Mbeki est supplanté à la tête de l’ANC (Congrès national africain), le parti au pouvoir, et devrait l’être, mais seulement en avril 2009, à la tête du pays, par Jacob Zuma.
Parangon du populisme et apôtre du changement, ce dernier inquiète beaucoup de monde, mais, pour ma part, je prends ce changement comme le signe de la bonne santé démocratique d’un pays et du parti qui le gouverne (assez bien) depuis près de quinze ans.

Tout n’est pas joué, puisque Jacob Zuma peut se voir barrer l’accès à la présidence par une décision judiciaire et que, de toute manière, le mandat de Thabo Mbeki ne s’achève qu’en avril 2009. Mais, en l’intronisant à la tête du parti, le Congrès de l’ANC vient d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de la République sudafricaine dont le titre pourrait être : davantage de changement, S.V.P., et plus vite.
Le pays en a besoin et si la nouvelle équipe dirigeante prend soin, comme elle l’a promis, de ne pas altérer les fondamentaux économiques, le changement lui fera du bien (voir pp. 14-17).

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L’année 2008 qui pointe son nez nous promet elle aussi des changements politiques et économiques importants.
Je m’arrêterai à quelques-unes des élections présidentielles qui vont jalonner l’année et, d’une certaine manière, symboliser le changement.

Dès la fin du mois de janvier, les Africains devront (en principe) avoir trouvé un successeur au premier président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré. Une demi-douzaine de candidats d’un niveau honorable sont en lice mais, à ce jour, aucun ne se détache du lot (voir p. 18).
Sur le plan des États, et toujours en Afrique, signalons que, dès le mois de mars, pour narguer un peu plus les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne les trois grands pays euro-américains qui, malveillants ou mal informés, ont décidé que leur président est le pire des dictateurs africains , les Zimbabwéens reconduiront Robert Mugabe à la tête du pays pour un énième mandat.
Qui sera pour cet homme de 84 ans, au pouvoir depuis vingt-huit ans et pour son pays , le mandat de trop.
Simultanément, après avoir célébré, en 2007, le cinquantenaire de leur indépendance, les Ghanéens rééliront leur président ou s’en donneront un autre.

Mais c’est l’élection présidentielle ivoirienne qui retient le plus l’attention. Maintes fois reportée depuis 2005, elle a été annoncée pour le mois de juin « au plus tard ». Cette fois, c’est « promis et juré », disent en choeur ceux qui ont en main les clés de ce qui est unanimement considéré comme le sésame conduisant à une sortie de crise.
Je crois, pour ma part, qu’elle aura lieu plutôt en juillet ou en août prochains et qu’elle permettra à la Côte d’Ivoire de clore enfin l’interminable et tumultueux chapitre ouvert en décembre 1993, il y a quinze ans, par la mort de Félix Houphouët-Boigny, l’homme qui n’a pas su organiser sa succession…

Je ne dirai qu’un mot de l’élection présidentielle américaine du 4 novembre 2008, car nous aurons à vous en parler plus d’une fois dans les semaines et les mois qui viennent : les États-Unis et le monde ont besoin d’avoir à Washington une autre administration que celle qu’ils ont endurée depuis près de huit ans. L’alternance démocratique et la désastreuse performance des républicains, personnifiée par George W. Bush, voudraient que cette nouvelle administration soit démocrate…

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Enfin, une élection présidentielle d’un type totalement inédit et qui, à ce titre, mérite qu’on s’y arrête, aura lieu au mois de mars prochain dans le plus grand pays d’Europe, la Russie.
C’est Vladimir Poutine qui préside depuis huit ans à ses destinées. Fin 2000, son prédécesseur, Boris Eltsine, l’a choisi, sorti de l’ombre et mis sur orbite.
Mais il a su se faire élire puis réélire, mener une politique intérieure et extérieure qui lui a donné une indiscutable (et très grande) popularité auprès de la majorité des citoyens russes.
Les démocrates, européens en particulier, mais également ceux du reste du monde, lui reprochent ses atteintes répétées aux droits de l’homme, l’impitoyable répression de l’insurrection tchétchène et un style qui rappelle celui des tsars, ou des dirigeants communistes. Les plus intransigeants vont jusqu’à soutenir que la Russie est retournée vers l’autocratie ou même la dictature…
Sur ce, comme pour les démentir ou brouiller les pistes, Vladimir Poutine s’est refusé à changer la Constitution pour briguer un troisième, puis un quatrième mandat, alors qu’il avait la possibilité juridique et politique de le faire. À l’inverse de ces présidents africains qui n’hésitent pas à malmener leur Constitution, Poutine affiche son respect le plus absolu pour le texte constitutionnel russe.
Et abandonne volontairement la présidence du pays.

Le parti qu’il contrôle et qui détient la majorité vient de désigner sur indication de Vladimir Poutine son candidat à la magistrature suprême: Dmitri Medvedev. En mars prochain, sans fraude ni triche, il sera élu président de la Russie, à la place de Poutine.
Ce dernier se contentera du poste de Premier ministre que lui a offert Medvedev et qui, de surcroît, lui revient de droit puisque son parti détient la majorité absolue au Parlement.
Les observateurs n’ont pas jugé transparentes les élections législatives qui se sont tenues le 2 décembre, et la présidentielle de mars ne sera sans doute pas à la hauteur de leurs exigences, mais les formes de la démocratie sont respectées et, nul n’en doute, la majorité des Russes approuve.

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Comment fonctionnera l’attelage Medvedev-Poutine, dont le numéro deux est en réalité le chef du numéro un… qui n’est que le chef nominal du numéro deux? Nul ne le sait puisque l’expérience est inédite.
Son inventeur devra convaincre non pas ses concitoyens, qui, eux, sauf une minorité, se sentent représentés et gouvernés, mais le monde extérieur ; celui-ci aura du mal à admettre que ce respect apparent de la Constitution n’est pas un simple tour de passe-passe.
Comme vous, j’attends avec curiosité de voir comment fonctionnera au jour le jour cette « démocratie à la russe ». Et je me pose deux questions : combien de temps durera le tandem Medvedev-Poutine ? La configuration qu’ils ont inventée a-t-elle une chance de faire école ?

Cela pour les changements politiques, qui, vous le voyez, nous promettent du globalement positif.
Mais c’est l’économie qui inquiète, et ce sont les menaces de retour à l’ère de l’inflation ainsi que les turbulences financières qui empêchent les gouverneurs des grandes Banques centrales de dormir tranquilles.
La crise américaine de l’immobilier sera-t-elle contenue ou bien se propagera-t-elle de proche en proche? Les déséquilibres commerciaux et financiers de l’hyperpuissance casseront-ils l’embellie du commerce mondial?
Le prix du pétrole, en reflux depuis quelques semaines, va-t-il s’assagir durablement, comme croient pouvoir le pronostiquer les bons experts ?
Et celui des produits agricoles, qui s’est mis à flamber à son tour ? Le fait qu’il améliore enfin les revenus des campagnes en pénalisant le pouvoir d’achat des villes estil porteur de progrès ou de régression? Et comment gérer cette situation qui inverse une tendance séculaire ?
Vous le voyez comme moi, l’année qui s’annonce promet d’être une année de mouvement.

Cette chronique étant la dernière de 2007, et l’année 2008 s’étant déjà annoncée, je vous adresse, à vous tous qui me faites l’honneur de me lire, mes voeux les plus sincères de bonne année.
B.B.Y.

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