Les Bissau-Guinéens élisent leurs députés pour sortir d’une interminable crise politique

Les Bissau-Guinéens votaient dimanche avec l’espoir que ces élections législatives contribueront à sortir d’une interminable crise au sommet de l’Etat ce petit pays lusophone d’Afrique de l’Ouest longtemps réputé pour son instabilité, et non à l’y enfoncer davantage.

Le siège du PAIGC dans la capitale Bissau, le 5 mars 2014, avant l’élection présidentielle. © Sylvain CHERKAOUI pour Jeune Afrique

Le siège du PAIGC dans la capitale Bissau, le 5 mars 2014, avant l’élection présidentielle. © Sylvain CHERKAOUI pour Jeune Afrique

Publié le 10 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Quelque 760 000 inscrits sont appelés aux urnes de 07H00 à 19H00 (GMT et locales) pour un scrutin à la proportionnelle à un tour, avec pour la première fois un minimum de 36% de femmes candidates sur les listes des 21 partis en lice, pour 102 sièges à pourvoir.

La crise a éclaté en août 2015 lorsque le président José Mario Vaz a limogé son Premier ministre, Domingos Simoes Pereira, chef du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui domine la vie politique depuis l’indépendance en 1974 et auquel José Mario Vaz appartient.

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Elle inquiète d’autant plus la communauté internationale que l’élection de José Mario Vaz a en 2014 avait marqué un retour progressif à l’ordre dans ce pays caractérisé par l’instabilité – avec des tentatives de putsch à répétition – qui a favorisé l’implantation de trafiquants de drogue sous la protection de hauts gradés.

Premiers résultats dans 48 heures

Le vote a débuté à l’heure dans un bureau situé à quelques mètres de la présidence, où les électeurs attendaient l’ouverture des portes en file indienne, debout jusque sur l’avenue du Port Pinjiquiti qui traverse ce quartier du centre de la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Je suis venu voter parce que je veux le développement de mon pays. Je souhaite que la journée soit tranquille », a affirmé Victor Pereira, 42 ans, se présentant comme statisticien dans une organisation internationale.

Gerar Albino da Fonseca, fonctionnaire au ministère des Finances, en casquette, short et sandales, « pense qu’il n’y aura pas de problème dans la journée ».

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Dans le bureau de vote voisin, à une dizaine de mètres, où le vote a également démarré à l’heure, Adriana Moreira, spécialiste en management, dit voter « pour que la situation change et surtout que les jeunes trouvent des emplois ». Les premiers résultats sont attendus 48 heures plus tard.

Climat de méfiance

Le PAIGC (actuellement 42 sièges), le Madem-G15, formé par 15 députés frondeurs de l’ex-parti unique qu’ils ont amputé de sa majorité, et le Parti du renouveau social (PRS, 41 sièges), réputé proche d’une partie de la hiérarchie militaire, espèrent s’imposer dimanche, le Premier ministre étant issu de la formation victorieuse dans ce régime parlementaire inusité dans la région.

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Jusqu’à la désignation en avril 2018, grâce à une médiation de la Cédéao, d’un Premier ministre de consensus chargé d’organiser ces élections, le Parlement a été bloqué pendant deux ans, empêchant le vote du budget, et retardant le paiement des fonctionnaires, souvent à l’origine de grèves dans ce pays en permanente précarité financière.

A la veille du scrutin, après trois semaines d’une campagne généralement calme, malgré un climat de méfiance autour de la révision des listes électorales, des heurts ont éclaté samedi à Gabu (est), près de la frontière guinéenne, selon des témoins.

Des jeunes ont lancé des pierres sur une délégation du PAIGC conduite par le Premier ministre, Aristide Gomes, et le président de l’Assemblée nationale, Cipriano Cassama, qu’ils accusaient de distribuer de l’argent à des femmes et des personnes âgées pour acheter leurs voix, ce que le parti a démenti.

La police, débordée, a fait appel à la force de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Ecomib, déployée pour sécuriser la transition politique après le dernier putsch qu’a connu le pays, en 2012, entre les deux tours d’une présidentielle interrompue de facto.

« Ce sont les élections les plus disputées de l’histoire de la Guinée-Bissau. On sort d’une crise politique de près de quatre ans et depuis plus de 20 ans, aucun gouvernement n’a terminé son mandat », interrompu par un coup d’Etat, a déclaré à l’AFP l’analyste politique Rui Landim.

UA et Cédéao en observateurs

Le scrutin est supervisé notamment par des observateurs de l’Union africaine (UA) et de la Cédéao.

L’annonce des résultats est généralement source de tensions dans ce pays, où l’armée a été mise en état d’alerte, ont affirmé samedi à l’AFP des sources militaires.

Un succès du PAIGC pourrait conduire à une nouvelle confrontation avec M. Vaz, alors qu’une élection présidentielle doit également se tenir d’ici à la fin du premier semestre.

Dans une résolution du 28 février, le Conseil de sécurité de l’ONU a salué la « retenue » des forces armées, insistant sur la nécessité qu’elles « continuent de s’abstenir de toute ingérence dans la situation politique ».

Initialement fixé au 18 novembre, le scrutin a été reporté au 10 mars en raison de problèmes politiques et techniques, notamment dans l’enregistrement des électeurs.

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