Berlin, le jour et la nuit

Publié le 4 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Novembre 2007. Les grutiers de Mitte, quartier du centre-est de Berlin, ont enfilé leur bonnet de laine. Depuis quelques jours, le mercure du thermomètre peine à dépasser 3º C. Le vent est glacial. Il s’en faut de peu pour que la pluie devienne neige. Le visiteur, d’ordinaire si prompt à découvrir la ville à pied, est contraint de se déplacer en métro.

STATION ALEXANDERPLATZ, au coeur de ce qui fut autrefois Berlin-Est, la une du magazine Der Spiegel est affichée sur de grands panneaux publicitaires. « Ils sont nés le 9 novembre 1989 », peut-on y lire. Le très influent hebdomadaire a décidé de consacrer son édition aux Berlinois nés le jour de la chute du Mur. Plus qu’une simple anecdote, un symbole. Pour la première fois depuis soixante ans, des jeunes en âge de voter peuvent dire qu’ils ne sont nés ni à l’Est, ni à l’Ouest mais à Berlin tout court.

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La capitale « réunifiée » est donc aujourd’hui majeure. Et vaccinée. Vaccinée contre un passé jugé embarrassant. Tout ce qui peut rappeler l’ex-République démocratique d’Allemagne (RDA), le régime satellite de Moscou lors de la guerre froide, disparaît peu à peu du paysage urbain. Au grand dam des « ostalgiques », ces Allemands qui, loin de toute idéologie, se délectent de l’esthétique communiste.

Le Palais de la République (Palast der Republik), le siège du Parlement est-allemand, construit en 1976 sur les ruines du château royal et impérial prussien, vient d’être démoli. Sur le site sera érigé, en 2013, un centre culturel de 50 000 m2, le Forum Humboldt, dont la façade reproduira à l’identique celle de l’ancien château. L’hôtel Unter den Linden, situé sur le célèbre boulevard du même nom et où se retrouvait autrefois l’élite communiste, a été rasé en février 2006. Exit également la gare centrale de Berlin-Est. « S’il pouvait le faire, le gouvernement démolirait aussi la Tour de la télévision », regrette un jeune Berlinois. Mais qui oserait toucher à l’antenne-relais de 368 mètres aujourd’hui érigée au rang de monument historique? Car la Fernsehturm, censée symboliser la grandeur technologique du régime marxiste, est devenue aujourd’hui l’un des emblèmes de la ville, au même titre que la porte de Brandebourg. Et aussi un point de repère idéal pour les touristes égarés dans la très vaste capitale allemande.

MAIS CE QUE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL s’attache à effacer progressivement du paysage urbain trouve davantage grâce aux yeux de la jeune génération. Celle-là même qui n’a jamais connu le Mur n’hésite pas à réinvestir des lieux voués à l’opprobre par la municipalité. Histoire de s’amuser une fois la nuit tombée. Dans le quartier populaire de Friedrichshain, les clubs plus ou moins clandestins sont légion. Sous le clair de lune, les jeunes fêtards bravent le froid et traversent de grandes friches industrielles pour rejoindre le dernier endroit à la mode: un hangar désaffecté, un ancien entrepôt des services municipaux ou, tout simplement, un immeuble abandonné.

À la porte d’une vieille maison grise coincée entre deux lignes de chemin de fer, une bande de noctambules attend qu’on veuille bien lui ouvrir la porte. L’établissement est « select ». À l’intérieur, la tapisserie et le mobilier d’époque détonnent avec le look branché des occupants. Dans les différentes pièces de la bâtisse, les disc-jockey enchaînent les titres technos devant un public survolté. Qui ne quittera les lieux qu’au petit matin. Dehors, il neige à gros flocons. Au loin, les grues de Mitte se mettent en branle. Un centre-ville est à reconstruire.

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