Tunisie : #BalanceTonHopital, le hashtag qui dénonce la situation chaotique des hôpitaux

Alors que la Tunisie est secouée par la mort de 12 nouveaux-nés, en fin de semaine dernière dans une maternité de Tunis, de nombreux médecins ont profité de l’occasion pour tirer la sonnette d’alarme sur l’état du secteur public en matière de santé. Leurs témoignages sur les réseaux sociaux bouleversent la toile.

Le Dr Khaled Rahal, chef de service à l’Hôpital Salah Azaiez, premier institut tunisien de traitement du cancer. Tunis, le 22 décembre 2011.

Le Dr Khaled Rahal, chef de service à l’Hôpital Salah Azaiez, premier institut tunisien de traitement du cancer. Tunis, le 22 décembre 2011.

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Publié le 12 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Toilettes insalubres, salles d’attente inondées, rats dans les couloirs, ascenseurs en panne… Quelques jours seulement après son lancement, la campagne numérique « Balance ton hôpital » sévit sur les réseaux sociaux. Plusieurs dizaines de messages et de clichés ont été postés sur une page Facebook où de nombreux médecins, internes, externes et étudiants en médecine ont publié leurs témoignages, dénonçant de nombreuses défaillances dans les hôpitaux, notamment ceux de la capitale.

>>> À LIRE – Décès de 12 nourrissons en Tunisie : « Le système de santé part à vau-l’eau »

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Les instigateurs de cette initiative espèrent ainsi attirer l’attention des autorités et partager la réalité du secteur de la santé en Tunisie. « Cette campagne vise à montrer dans quelles conditions les équipes médicale et paramédicale travaillent, et de ce fait à démontrer que les autorités sont responsables des catastrophes de la santé publique », explique à Jeune Afrique Aymen Bettaieb, vice-président de l’Organisation tunisienne des jeunes médecins.

Faible mobilisation politique

« Nous cherchons à travers ces publications à sensibiliser la population. Cela fait des années que nous dénonçons ceci, mais cette fois-ci nous souhaitons associer à ce mouvement des personnes qui sont en dehors du secteur médical. Nous voulons tous une santé publique digne de ce nom », explique Aymen Bettaieb – dont le syndicat devrait se charger de proposer des solutions.

Malgré plusieurs déclarations publiques des représentants de partis, aucune mesure concrète n’a pour le moment été annoncée

Lancée lundi 9 mars, l’opération est une réaction au scandale sanitaire qui a éclaté après le décès de 12 nouveaux-nés des suites d’une infection nosocomiale, entre le 7 et le 9 mars au centre de néonatologie de la Rabta à Tunis. Selon les résultats préliminaires de l’enquête, un agent infectieux aurait été à l’origine d’un choc septique entraînant la mort des nourrissons. Une affaire qui a poussé le ministre de la Santé, Abderraouf Cherif, à démissionner dimanche de son poste.

Côté politique, malgré plusieurs déclarations publiques des représentants de partis, aucune mesure concrète n’a pour le moment été annoncée. L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) avait programmé une séance plénière exceptionnelle, mais le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Mohamed Ennaceur, a dû lever la séance, à laquelle assistaient seulement 38 députés sur 217.

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Rats, fissures, fuites d’eau…

Sur la page Facebook, plusieurs témoignages tirent la sonnette d’alarme. « J’aimerais partager une expérience que j’ai vécue lorsque j’étais interne au service néonatal de la Rabta », écrit par exemple, dans un post, un jeune médecin qui a préféré rester anonyme. « Nous étions obligés de transporter des nouveaux-nés fragiles pour la réalisation d’examens indispensables, car nous n’en disposions pas sur place. Nous n’avions pas de respirateurs transportables à l’hôpital. Le scanner était en panne, alors que nous étions dans l’un des plus grands hôpitaux de la capitale. Aucune bouteille d’oxygène n’était disponible, raconte le jeune homme. Une seule ambulance était au service du centre de maternité de l’institut de neurologie et de l’hôpital en question. »

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Interne à l’Hôpital Farhat Hached de Sousse, Houyeme Khaskhoussi dénonce pour sa part « un assainissement défectueux, une détérioration des installations sanitaires qui représente une menace pour les patients et le personnel de l’hôpital, les multiples fuites d’eau ou encore les murs fissurés », déplorant les nombreux risques d’inondations après chaque pluie.

« Faire des économies dans un secteur mourant »

Mohamed Douagi, le président de la Société tunisienne de pédiatrie, avait alerté sur sa page Facebook il y a quelques mois de la situation dans cette maternité, qui gère selon lui 15 000 naissances par an. Pour ce praticien, cet événement tragique lève le voile sur les divers problèmes que rencontre aujourd’hui le secteur de la santé en Tunisie. Après le départ de plusieurs médecins, un service de réanimation néonatale s’était ainsi retrouvé avec « la seule chef de service et ses deux assistantes », avait-il souligné, accusant le gouvernement de chercher à faire des économies dans un secteur « mourant ».

En 2017, un collectif de 387 médecins hospitalo-universitaires avait déjà adressé une lettre ouverte au chef du gouvernement. Le groupe avait fait part de « ses inquiétudes face à l’accumulation des problèmes structurels et l’absence de réformes adaptées », appelant « à la mise en oeuvre d’un plan de sauvetage immédiat, en attendant une réforme profonde et globale du système de santé ». Ces mises en garde restées lettre morte, les inquiétudes refont surface aujourd’hui.

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