Redistribution des cartes

Alors que la demande mondiale d’aluminium explose, le pays veut désormais valoriser son minerai de bauxite pour exporter des produits raffinés. Mais les activités de transformation sont gourmandes en énergie.

Publié le 20 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Après des décennies d’une économie minière basée sur un système d’exploitation figé et peu rémunérateur, la Guinée va-t-elle enfin entrer dans une nouvelle ère ? C’est ce qu’espèrent en tout cas les autorités du pays, dont le sous-sol aiguise l’appétit des multinationales.
Premier exportateur mondial de bauxite – un minerai qui lui fournit 90 % de ses recettes d’exportation -, la Guinée possède près de deux tiers des réserves de la planète. Mais son sous-sol, qui renferme également du fer, de l’or et du diamant, reste encore largement inexploité. En 2006, ces ressources n’ont rapporté que 123 millions de dollars, soit à peine 13 dollars par habitant. Aujourd’hui, alors que le gouvernement envisage de réformer la loi minière, une dizaine de groupes s’apprêtent à se lancer dans le secteur. On estime entre 15 milliards et 20 milliards de dollars le montant des investissements prévus au cours des quinze prochaines années
Une bonne nouvelle pour le pays, qui ne dispose à ce jour d’aucune industrie de transformation, à l’exception de la raffinerie de Fria (Ouest), qui, depuis les années 1950, transforme la bauxite en alumine. De fait, depuis près d’un demi-siècle, les compagnies minières se sont gardées d’investir dans la transformation, malgré les nombreuses promesses. Mais depuis le symposium sur les ressources minières, organisé par le gouvernement guinéen à Düsseldorf (Allemagne) en octobre 2006, les choses ont un peu changé. « La plupart des opérateurs comprennent la nécessité d’instituer de nouveaux mécanismes », expliquait, au quotidien français Le Monde, Michel Billard, consultant auprès du ministère des Mines. Les prix se sont envolés et la Guinée pourrait doubler ses revenus si les redevances étaient indexées sur les cours mondiaux.
Le véritable tournant a été amorcé avec l’arrivée de la junior canadienne Global Alumina. « Le principal obstacle a été l’opposition d’opérateurs présents depuis des années, qui n’avaient pas compris l’intérêt de transformer la bauxite, explique Mamady Youla, directeur général de Guinea Alumina (filiale de Global Alumina) . Ils voyaient d’un mauvais il qu’un nouvel acteur s’introduise sur ce marché. Mais la Guinée ne pouvait pas continuer à exporter massivement la bauxite sans valeur ajoutée. La question qui s’est posée aux autorités était de savoir s’il fallait accorder une concession à Global Alumina sur le périmètre d’exploitation de la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), filiale à 51 % de Halco Mining. Il a fallu cinq ans pour que les choses se débloquent. » Global Alumina a signé, le 15 octobre 2004, une convention avec l’État pour la construction et l’exploitation d’une usine de transformation de bauxite à Sangarédi (Ouest), ainsi que pour l’aménagement d’un nouveau port minéralier à Kamsar. Présentée comme la plus grande raffinerie au monde, l’unité de Sangarédi, dont le coût des travaux est estimé entre 3 milliards et 4 milliards de dollars, produira 3,2 millions de tonnes d’alumine à partir de 2011 et 5 millions de tonnes dès 2015. Le schéma prévu comprend l’exploitation du minerai provenant de la concession du géant Halco Mining, qui permettra d’alimenter la raffinerie.

De l’énergie pour raffiner
Galvanisées par ces projets, les autorités ont exhorté les autres compagnies à investir dans la transformation. Après d’interminables négociations, Halco Mining a fini par signer, en 2006, pour la construction d’une raffinerie d’alumine à Boké (Ouest) d’une capacité initiale de 1,5 million de tonnes par an, extensible à 4 millions de tonnes. Montant des travaux : 1,8 milliard de dollars. « À l’avenir, seuls les produits raffinés quitteront les ports du pays », promettait Ousmane Sylla, alors ministre des Mines. Le rachat en 2007 de l’usine de Fria par le groupe russe RusAl, qui a acquis de nouvelles concessions à Dian-Dian et envisage d’investir 2,5 milliards de dollars dans la construction d’une nouvelle raffinerie, est venu confirmer cette nouvelle orientation.
Mais aujourd’hui, les places sont devenues chères. Et la frénésie qui a saisi les opérateurs miniers pousse à la surenchère. Après les Brésiliens de Companhia Vale do Rio Doce (CVRD), premier producteur mondial de fer, et les Grecs de 3PL, les Chinois de Chalco ont obtenu vingt et une concessions en promettant la construction d’une raffinerie et d’une centrale hydroéléctrique financées par l’Eximbank China Un projet qui n’a pas laissé le gouvernement indifférent.
L’installation programmée d’usines de transformation, particulièrement gourmandes en électricité, devrait fortement accroître la demande en énergie. Afin de garantir le bon fonctionnement des milliers de machines, un barrage et une centrale hydroélectriques de 50 MW seront construits sur le fleuve Cogon (ouest), non loin des mines de la CBG, près du site de Dian-Dian. Reste que la Guinée ne maîtrise pas encore toute la chaîne de production métallurgique. Pour le moment. À Fria, le projet de complexe industriel prévoit en effet la construction d’une fonderie qui devrait produire, à partir de l’alumine transformée sur le site, 240 000 tonnes d’aluminium par an.

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