Côte d’Ivoire : trois ans après l’attentat de Grand-Bassam, le cerveau présumé est toujours en fuite
Trois ans après l’attentat de Grand-Bassam, ville balnéaire au sud de la Côte d’Ivoire, qui a fait 19 morts le 13 mars 2016, l’enquête a permis d’interpeller plusieurs acteurs directs et indirects. Mais le cerveau présumé de l’attaque est toujours en fuite.
Dans la commune huppée de Cocody, à Abidjan, un agent de sécurité fait passer les clients sous un portique de détection de métaux à l’entrée d’un important supermarché ce mercredi 13 mars 2019. Il y a trois ans, l’attentat de Grand-Bassam, ville voisine d’Abidjan, a changé le comportement de nombreux Ivoiriens.
Nous sommes le 13 mars 2016. Plusieurs assaillants armés de kalachnikovs s’introduisent dans des hôtels situés en bordure de mer à Grand-Bassam. Ils ouvrent le feu de façon indiscriminée. Dix-neuf personnes périssent, dont trois militaires ivoiriens. Trois assaillants (deux Maliens et un Ivoirien) sont tués par les militaires ivoiriens des Forces spéciales, dépêchés sur le site. Parmi ces derniers, trois y laissent leur vie.
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Trente-trois blessés sont pris en charge, alors qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) revendique l’attentat mené, selon leur communiqué, par la katiba Al-Mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, alias Le Borgne. Un groupe à l’origine de deux autres attaques meurtrières, à Ouagadougou (Burkina Faso) en janvier 2016, et à Gao (Mali), un an plus tard.
80 interpellations, mais pas celle du suspect n°1
Au total, au moins 80 personnes ont été interpellées en Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina Faso, en lien avec cette affaire, selon une source proche du dossier.
Mais un individu manque toujours à l’appel : Kounta Dallah, suspect numéro un et présenté par les autorités ivoiriennes comme le cerveau de l’attaque. L’arrestation d’Assane Barry – dit « Sam », interpellé à Dabou, ville voisine d’Abidjan – qui l’a côtoyé durant des mois, au Mali et en Côte d’Ivoire, a certes permis d’obtenir des informations supplémentaires sur l’activité de ce natif de la région de Tombouctou (Mali), mais n’a pas suffi à remonter jusqu’à lui.
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« On sait qu’il est dans le désert malien avec le groupe à Belmokhtar », estime-t-on du côté du parquet militaire. Dallah était arrivé à Grand-Bassam par la route et était reparti au Mali, le jour de l’attentat, en passant par l’aéroport Félix Houphouët-Boigny.
Arrestations au Mali
L’enquête aussitôt ouverte par le procureur militaire ivoirien Ange Kessi avait pourtant évolué rapidement, grâce à une coopération entre différents services de renseignement algériens, français, ivoiriens, maliens et marocains. Les enquêteurs ivoiriens ont vite été mis sur la piste de certains suspects grâce à des téléphones portables retrouvés sur les assaillants tués. « C’est par des appels téléphoniques qu’on a pu remonter jusqu’aux auteurs et coauteurs », confiera le ministre Bruno Nabagné Koné, qui était alors porte-parole du gouvernement au moment des faits.
Mi-avril 2016, le Malien Alou Doumbouya, alias « Man », a ainsi été interpellé dans un quartier populaire de Bamako. Présenté comme le numéro deux de l’attentat, il avait convoyé les armes du Mali en Côte d’Ivoire.
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À Abidjan, deux militaires de la Garde républicaine ont par ailleurs été condamnés par le tribunal militaire, en août 2016, à dix ans de prison ferme, pour « violation de consignes » et « association de malfaiteurs ». Ils ont été reconnus coupables de n’avoir pas dénoncé l’un des principaux acteurs présumés de l’attaque, le dénommé Assane Barry, alors qu’ils avaient cohabité dans le même quartier, avant l’attentat.
Réponse sécuritaire
Si l’enquête semble au point mort, les autorités multiplient les initiatives pour prévenir d’autres attaques de ce genre. Mi-octobre 2018, le ministre de la Défense ivoirien, Hamed Bakayoko, et le Français Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, ont procédé au lancement du projet de construction d’une Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) à Jacqueville, à 60 km d’Abidjan.
Un projet cofinancé par la France qui a perdu quatre ressortissants dans l’attentat (contre dix Ivoiriens, deux Libanais, un Allemand, un Nigérian et un Macédonien), et destiné à « favoriser la prise en compte globale du terrorisme, depuis le renseignement jusqu’au traitement judiciaire en passant par l’action des forces spécialisées », selon l’ambassade de France en Côte d’Ivoire.
L’AILCT doit ouvrir ses portes cette année. En attendant, les autorités misent sur la formation des forces de défense et de sécurité. Plusieurs policiers et gendarmes ivoiriens ont déjà bénéficié d’un programme de formation dispensé par des agents du Bureau fédéral d’enquêtes (FBI) et du Service de lutte contre la drogue (DEA) en matière de lutte contre le terrorisme.
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