Pourquoi la Troisième Guerre mondiale n’aura pas lieu

Publié le 21 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Jusqu’à la publication, le 3 décembre, du « bilan du renseignement national » (National Intelligence Estimate), seul un incurable optimiste aurait pu exclure des frappes aériennes américaines contre les installations nucléaires iraniennes. D’ailleurs, Mahmoud Ahmadinejad lui-même conseillait aux États-Unis de « ne pas jouer avec la queue du lion » et semblait presque souhaiter une confrontation. En août, George W. Bush déclarait : « Le fait que l’Iran développe activement une technologie susceptible de déboucher sur la fabrication d’armes nucléaires fait planer sur une région déjà instable l’ombre d’un holocauste nucléaire. » En octobre, il était allé encore plus loin : « Pour éviter une Troisième Guerre mondiale, il est sans doute indispensable d’empêcher les Iraniens d’acquérir les connaissances nécessaires à la construction d’une arme nucléaire. »
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ayant fait état d’une accélération du processus d’enrichissement de l’uranium en Iran, la tension est encore montée d’un cran. Le 1er décembre, une action militaire américaine apparaissait de plus en plus probable. Dans l’impossibilité de briguer un troisième mandat, Bush était, disait-on, convaincu que son successeur n’aurait pas les cojones (terme qu’il est sans doute inutile de traduire) d’affronter Téhéran. Et les Israéliens, par le biais d’une opération contre une présumée installation nucléaire syrienne, semblaient avoir apporté la preuve du faible coût politique d’éventuelles frappes aériennes.
Dans ce contexte, la publication du National Intelligence Estimate a fait l’effet d’un coup de tonnerre. « Nous considérons avec un haut degré de certitude, écrivent ses auteurs, que Téhéran a arrêté son programme d’armes nucléaires à l’automne 2003. » Le spectre d’une Troisième Guerre mondiale est-il pour autant écarté ? N’allons pas trop vite en besogne.
« Nous ne partageons pas à 100 % l’analyse américaine, confie au New York Times une personnalité proche de l’AIEA, et ne sommes pas aussi indulgents avec l’Iran. » Une lecture attentive du rapport donnera probablement à Bush des raisons de rester méfiant. Ses auteurs n’affichent en effet qu’une confiance « modérée » dans la véracité de leurs affirmations. S’ils sont sûrs que l’Iran n’a pas relancé cette année son programme d’armes nucléaires, ils n’excluent pas qu’il ait « importé une certaine quantité de matériau fissible destiné à fabriquer des armes ».
Reste que Bush aura dorénavant beaucoup plus de mal à justifier une éventuelle action militaire préventive. Il est, estime le rapport, « très peu probable » que l’Iran parvienne à produire une quantité suffisante d’uranium très enrichi avant la fin de 2009, la date la plus vraisemblable se situant entre 2009 et 2015. Du coup, un néoconservateur repenti comme l’éminent éditorialiste Robert Kagan n’hésite pas à écrire que Bush a aujourd’hui l’occasion de se transformer en colombe en engageant des contacts diplomatiques avec l’Iran. À quoi l’on peut objecter que ce n’est guère dans la nature du président, et que, de toute façon, il est douteux que les Iraniens prennent cette volte-face au sérieux.
Mais là où Kagan n’a pas tort, c’est que le moment est sans doute venu de repenser la politique américaine à l’égard de la République islamique. Celle-ci a été, et reste, l’un des principaux soutiens des organisations, terroristes ou non, hostiles aux États-Unis et à Israël. Mais la politique de sanctions à son encontre a été contre-productive. Pendant les années Bush, la position de l’Iran s’est renforcée. Si les États-Unis étaient contraints de quitter prématurément l’Irak, l’hégémonie perse dans le Golfe a toutes les chances de devenir une réalité. Avec ou sans la bombe.
Le successeur de Bush aura donc tout intérêt à proposer un marché à Téhéran : une aide économique et un rapprochement diplomatique en échange d’une renonciation aux armes nucléaires et au terrorisme. Impossible ? Pas plus que le voyage d’Henry Kissinger et de Richard Nixon en Chine maoïste, en 1972
© Financial Times et Jeune Afrique 2007.

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