Tunisie : pourquoi le comité d’organisation du congrès de Nidaa Tounes a jeté l’éponge

Dans un communiqué laconique, le comité d’organisation du congrès de Nidaa Tounes a annoncé jeudi 14 mars qu’il rendait son tablier. Les jeux d’alliance et les guerres de clans qui déchirent le parti semblent avoir eu raison de sa mission.

Ridha Charfeddine, ex-président du comité d’organisation du congrès de Nidaa Tounes. © Capture d’écran / Youtube / ESSTV

Ridha Charfeddine, ex-président du comité d’organisation du congrès de Nidaa Tounes. © Capture d’écran / Youtube / ESSTV

Publié le 14 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Ridha Charfeddine a démissionné jeudi de Nidaa Tounes et de son mandat de député. « On ne peut être témoins de pratiques illicites. Le comité d’organisation du congrès n’avait aucun moyen de contrôler le processus d’adhésion », assène l’ex-parlementaire, soulignant que « malgré ses prérogatives, le comité d’organisation était réduit à une instance technique par la direction politique de Nidaa ». « L’objectif était un congrès électif démocratique. Chacun de ces mots compte pour ramener la confiance au sein du parti. Il n’en a rien été », a regretté celui qui était un soutien essentiel dans la région de Sousse.

Charfeddine, président du comité et signataire du communiqué, avait annoncé peu avant qu’il laissait « au leadership du parti l’entière responsabilité dans la préparation et l’organisation du congrès ». Une manière d’exprimer son désaccord avec le comité politique.

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Mohamed Ramzi, dirigeant de Nidaa Tounes, a ainsi spécifié à l’agence Tunis Afrique Presse (TAP) que le comité politique, qui a décidé de la date du congrès, estime que les membres du comité d’organisation remettant en cause les décisions se mettent en porte à faux par rapport aux responsables.

La rupture est donc consommée, mais l’imbroglio laisse perplexe les observateurs, dans la mesure où la création du comité d’organisation avait été validée par Slim Riahi, à qui Nidaa Tounes avait accordé le titre de secrétaire général – une fonction que ne prévoit pas l’organigramme du parti.

Des motifs multiples

Le premier enjeu était, pour la formation fondée par le président de la République Béji Caïd Essebsi, de s’assurer du soutien de l’Union patriotique libre (UPL), le mouvement lancé par Riahi, afin de récupérer ses députés pour contrer l’hémorragie parlementaire dont était victime Nidaa Tounes. La dissidence a alors rejoint Machrou Tounes, et plus récemment le groupe parlementaire de la Coalition nationale, socle du nouveau parti Tahya Tounes.

Des sources très proches de la direction du parti évoquent aussi un manque de moyens financiers

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Le second enjeu était d’organiser un congrès électif, comme le réclamaient les membres du parti. Reporté à maintes reprises, la rencontre a été à l’origine de désaccords profonds et de nombreux départs. Mais encore fallait-il que la direction réussisse à s’entendre sur le contenu du congrès, prévu le 6 avril – date du décès de Bourguiba – à Monastir. Cela n’a pas été le cas, en raison de divergences politiques… ou plutôt d’ingérence dans l’organisation de la part du comité politique. Des sources très proches de la direction évoquent aussi un manque de moyens financiers, ainsi que des tentatives de ramener dans le giron du parti des chefs d’entreprise à même de mettre la main à la poche.

« Un parti moribond »

Le troisième enjeu, et non des moindres, est que le congrès devait présenter une nouvelle image du parti, unifié et en rangs serrés avec pour objectif de rééditer l’exploit électoral de 2014, quand il avait remporté les élections législatives et présidentielle. Mais l’entourage de Hafedh Caïd Essebsi, dont Sofiane Toubel et Ons Hattab, a suggéré au directeur exécutif de ne pas lâcher les commandes et de contrer toute velléité de dissidence.

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Face à cette offensive, un nouveau front constitué de transfuges de retour s’est créé sous l’appellation de « lam el chaml » (le ralliement). Son objectif : obtenir un congrès en bonne et due forme où les urnes décideront de la direction du parti. Ils ont tous en mémoire le scrutin très controversé de 2016, qui avait permis au fils du président Essebsi de mettre la main sur la formation.

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Alors que les passes d’armes se multiplient, certains sont pessimistes quant à l’avenir. « L’échec était attendu. La bonne volonté du comité d’organisation ne suffit pas pour changer la donne dans un parti désormais moribond. Béji Caïd Essebsi [qui tient depuis son installation à Carthage à se tenir au-dessus de la mêlée] aurait dû intervenir pour ouvrir Nidaa Tounes aux anciens », tacle Mahmoud Ben Romdhane, ancien ministre et ex-dirigeant de Nidaa, qui s’apprête à lancer une nouvelle initiative politique.

« Le congrès aura lieu », a assuré le journaliste Zyed Krichen sur l’antenne de Mosaïque FM. Mais « avec qui et dans quelles conditions ? », s’interrogent ceux qui espèrent un retour aux avant-postes de Nidaa Tounes, désormais relégué à la troisième place à l’Assemblée.

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