[Tribune] Trois axes de réformes pour plus d’unité et de croissance au Sénégal
Fort d’une très nette victoire à la présidentielle, Macky Sall ne pourra cependant pas faire l’économie d’une série de réformes en profondeur au cours de son second mandat, selon Nicolas Simel Ndiaye.
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Nicolas Simel Ndiaye
Senior manager, Deloitte Afrique, fondateur du think-tank L’Afrique des Idées.
Publié le 18 mars 2019 Lecture : 3 minutes.
En dépit de la confusion qui a suivi le scrutin présidentiel du 24 février, marqué notamment par des accusations de manipulations de la part de l’opposition, Macky Sall signe une nette victoire en l’emportant avec 58,26 % des suffrages. Pour autant, il ne sort pas triomphant de cette élection révélatrice de fractures importantes au sein de la société sénégalaise.
Cela engendre une situation paradoxale dans laquelle le vainqueur doit désormais mener une stratégie de reconquête de l’opinion alors même que les défis économiques et sociaux des cinq prochaines années demeurent titanesques.
Dans ces circonstances, comment Macky Sall peut-il réussir, au sein d’un pays divergent, à bâtir de la convergence ? La réponse est simple, mais sa mise en œuvre nécessite à la fois courage politique et expertise dans le pilotage des politiques publiques afin d’opérer trois virages stratégiques.
Changer de paradigme dans l’administration
Réformer en profondeur l’administration pour qu’elle soit résolument au service des populations et des entreprises. Longtemps centrée sur elle-même, celle-ci doit désormais être orientée vers les usagers avec une segmentation par profil et l’ambition de leur offrir des prestations de qualité dans tous les moments clés de leur vie : naissance, décès, acquisition d’une maison, création d’une entreprise, etc. Il s’agit là d’un changement de paradigme inédit.
Cette réforme doit aussi avoir pour objectif une plus grande attention accordée au pilotage des politiques publiques, à travers une refonte de l’architecture de l’administration. Afin de gagner en agilité, le gouvernement doit par exemple envisager de scinder le ministère de l’Économie, des Finances et du Plan en deux entités distinctes, l’une consacrée aux emplois et aux politiques publiques, l’autre cantonnée aux Finances et au Budget de l’État.
>>> À LIRE – Présidentielle au Sénégal : comment Macky Sall s’est placé en maître du jeu
Promouvoir les champions nationaux
Accompagner de façon cohérente, efficace et massive le secteur privé national en identifiant les domaines stratégiques pour lesquels nous devons promouvoir des champions nationaux ainsi que la structuration de chaînes de valeur dans lesquelles s’inscriront les PME sénégalaises. C’est à ce prix que la croissance du pays sera endogène, pérenne, inclusive et créatrice d’emplois. La phase 1 du Plan Sénégal émergent (PSE) était fondée sur une approche sectorielle, une priorité donnée aux grands projets et une logique d’investissements étrangers.
L’enjeu pour les cinq prochaines années consiste d’une part à promouvoir une logique d’investissements endogènes (secteur privé national, fonds souverains et fonds de garantie, fiscalité, etc.) et d’autre part à renforcer l’efficacité et la cohérence des dispositifs nationaux censés accompagner l’essor du secteur privé national et la compétitivité des PME.
Dans cette perspective, la mise en place d’une entité entièrement consacrée au pilotage et à l’exécution des projets et réformes en faveur des entreprises doit être envisagée.
>>> À LIRE – Plan Sénégal émergent : huit chantiers pour construire l’avenir
Favoriser l’alternance générationnelle
Promouvoir le leadership de la jeunesse pour qu’elle occupe, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, la place qu’elle mérite dans la transformation d’un pays dans lequel l’âge moyen est de 19 ans et 81 % de la population a moins de 40 ans. Dans le cadre de la composition du prochain gouvernement, un signal fort serait de confier cinq ou six ministères clés à des jeunes leaders sur des thématiques autour de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emploi, de l’économie numérique et de l’entrepreneuriat ou encore du tourisme.
De façon plus structurelle et dans la perspective des prochaines élections législatives, une loi volontariste et innovante sur l’alternance générationnelle pourrait être adoptée pour amener progressivement les partis politiques à proposer 25 % à 35 % de candidats âgés de moins de 40 ans. Par ailleurs, le président Macky Sall doit envisager au cours des prochains mois une grande initiative en faveur de la promotion du leadership des jeunes du Sénégal et de la diaspora.
À travers ces trois axes prioritaires, Macky Sall pourrait dans les cinq prochaines années réformer en profondeur le Sénégal et lui permettre de prendre un virage décisif.
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