Les quatre leçons de l’action Sonatel
En moins de dix ans, la valeur de l’action Sonatel – l’opérateur sénégalais de télécommunications – cotée à la Bourse régionale des valeurs mobilières de l’Uemoa (BRVM) a été multipliée par près de huit. Le titre, qui a été introduit le 2 octobre 1998 au cours de 22 000 F CFA, a atteint 175 000 F CFA le 14 décembre dernier (+ 75 % par an en moyenne). Un tel succès auprès des investisseurs, locaux et internationaux, mérite explication.
Au premier chef, on trouve la croissance forte et régulière de tous les indicateurs de gestion de l’entreprise, tels que le chiffre d’affaires, le résultat net et le volume des dividendes distribués. Cette tendance devrait en plus être maintenue dans les cinq à sept prochaines années, grâce à l’avantage considérable dont elle dispose, étant l’une des rares sociétés africaines de téléphonie à être « multilicence ». Cet avantage lui permettra ainsi de maintenir sa politique d’investissement massive, aussi bien sur son marché de base sénégalais que dans sa présence sous-régionale, au Mali, en Guinée, en Guinée-Bissau Et bientôt ailleurs.
Autre facteur de succès, un profil de société cotée ainsi présenté va naturellement continuer à séduire les fonds d’investissement étrangers, qui s’intéressent aux valeurs sûres du continent africain. Le titre Sonatel a fait son entrée en juillet 2007 dans l’indice AI40, composé des 40 meilleures sociétés cotées dans 9 Bourses africaines et publié par le cabinet londonien Africa Investor, tandis qu’Exotix, une autre firme britannique d’évaluation financière et de courtage, encourage ses clients à investir dans la société.
En réalité, nombre d’analystes financiers estiment que le cours de l’action Sonatel est encore à l’heure actuelle sous-évalué. Un fonds d’investissement londonien, l’un des plus dynamiques en Afrique, soutient même que son prix devrait, dans un contexte de stabilité politique et monétaire, être valorisé à 250 000 F CFA par action. Sonatel est devenue la valeur phare de la BRVM, dont elle représente entre 40 % et 50 % de la capitalisation boursière selon les années, et dont le titre y est largement le plus actif, avec un record de valeur de transaction réalisée en une seule séance de cotation : près de 16 milliards de F CFA échangés le 26 août 2006.
Les enseignements qu’on peut tirer de l’évolution du titre Sonatel sont multiples, tant pour les activités boursières que pour l’économie des pays qui aspirent à l’émergence.
– Tout d’abord, elle montre qu’il est possible, avec un nombre limité de sociétés cotées, de faire fonctionner une Bourse des valeurs mobilières. Le chiffre d’affaires réalisé sur le volume d’échanges de titres Sonatel assure aujourd’hui la rentabilité de la BRVM.
– La condition essentielle est cependant que ces entreprises disposent d’un management de qualité. Il faut toutefois qu’elles évoluent dans des secteurs offrant de fortes perspectives de croissance. En Afrique, à l’heure actuelle, ces secteurs se limitent à la téléphonie mobile, aux mines, à l’agrobusiness et aux services financiers. Mais les privatisations et les aspirations des populations africaines vers plus de bien-être et de démocratie permettent à d’autres secteurs économiques de devenir attractifs. Parmi eux, citons l’énergie, les infrastructures de transport et le tourisme.
– Un autre enseignement indique qu’une société cotée est une source d’enrichissement pour les investisseurs et les épargnants. Aujourd’hui, l’action Sonatel est négociée à 175 000 F CFA, alors que sa valeur nette comptable ne représente que 45 500 F CFA : l’introduction en Bourse de la société a donc généré, pour chaque action, une plus-value de 129 500 F CFA, soit une valeur globale supplémentaire de l’entreprise (10 millions d’actions) de 1 295 milliards de F CFA.
– Une dernière remarque porte sur les règles de fonctionnement de la BRVM. Il faudrait faire en sorte que la majorité des épargnants, petits ou grands, puisse accéder aux transactions boursières. Quand la valeur d’un titre dépasse un certain seuil, on exclut d’office les petits épargnants. Les Bourses anglophones d’Afrique admettent aujourd’hui à la cote des sociétés dont la valeur nominale est de 1 dollar, soit 20 fois moins que celle des sociétés cotées à la BRVM, où le minimum est fixé à 10 000 F CFA. C’est sans doute ce qui explique pourquoi le nombre d’épargnants qui investissent en valeurs mobilières est beaucoup plus important aux Bourses d’Accra ou de Lagos qu’à la BRVM.
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