Jérémy Hodara : « Il ne faut pas copier la Silicon Valley »
Jérémy Hodara, co-fondateur de Africa Internet Holding, le promoteur de Jumia, Hellofood, Carmudi et Easy Taxi, entre autres, a accepté de répondre aux questions de « Jeune Afrique » au sujet de l’innovation dans le contexte actuel du continent africain.
Jérémy Hodara a créé Africa Internet Holding avec Sacha Poignonnec. Depuis ce vaisseau amiral, les deux Français trentenaires ont lancé, en deux ans, Jumia, Hellofood, Carmudi, Easy Taxi… En tout neuf types de sites internet dans 25 pays africains, regroupant 3 000 employés. Il a répondu aux questions de « Jeune Afrique ».
Propos recueillis par Frédéric Maury
Jeune Afrique : Votre projet a-t-il mûri longuement ?
Jérémy Hodara : Nous avons pris la décision très rapidement. Nous avons choisi l’Afrique parce que nous étions persuadés que l’offre était le facteur limitant, pas la demande. Ensuite, nous nous sommes posé des questions simples : ce marché est-il suffisamment gros ? Le business model est-il éprouvé ? Quel est l’état de la concurrence ?
Pourquoi choisir de développer le commerce en ligne dans un continent où les magasins manquent ?
On se répète à l’envi l’histoire du téléphone portable qui s’est imposé sur un continent sans téléphone fixe. C’est une tarte à la crème, mais c’est vrai. En Chine, le taux de pénétration du commerce en ligne est déjà deux fois supérieur à ce qu’il est aux États-Unis.
Nous aimons cette complexité qui rebute les autres. En Afrique, il a fallu tout créer, jusqu’à notre propre réseau de distribution.
Innover, c’est prendre des risques. Dans un continent déjà très risqué, n’est-ce pas déraisonnable ?
Nous aimons cette complexité qui rebute les autres. En Afrique, il a fallu tout créer, jusqu’à notre propre réseau de distribution. C’est ce qui nous a plu aussi.
Les mauvaises langues pourraient dire que votre recette a surtout été de copier ce qui se faisait ailleurs…
Aligner 1 300 hôtels à Lagos sur notre site de réservation en ligne quand des grands concurrents internationaux en référencent quinze dans cette même ville, ce n’est pas du copier-coller. Ce qui compte, c’est la manière dont on fait les choses et, en Afrique, les contraintes locales sont différentes.
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L’innovation est-elle favorisée en Afrique ?
Le contexte est favorable, en tout cas. Tout est possible ici, et le niveau d’énergie est étonnant. Le défi, c’est de rester simple. Il faut partir des besoins de base et ne pas vouloir copier ce qui se fait dans la Silicon Valley.
Les États n’aident pas beaucoup à faire bouger les lignes…
Au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, les ministres s’intéressent beaucoup à internet. Mais nous n’attendons pas des États, qui ont d’autres urgences, qu’ils nous aident en matière fiscale ou autre.
Le grand défi, ce serait plutôt le financement ?
Ce n’est pas évident. Ce qu’un investisseur cherche avant tout, c’est une bonne équipe avec un bon projet. Or j’en rencontre beaucoup en Afrique qui disent avoir du mal à trouver des idées qui tiennent la route…
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