La longue marche (à reculons) des femmes

Strings et tailles basses d’un côté, hijab et niqab de l’autre… Les unes s’habillent toujours plus court, les autres s’emmaillotent le plus possible. Dans les deux cas, un même principe : le besoin de revenir au passé…

Publié le 20 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Elles sont formidables. Les femmes ont réalisé en un siècle des progrès inouïs. On ne leur rend pas assez hommage. Elles ont mené des combats magnifiques, remporté des victoires grandioses. Le droit de vote, l’interruption volontaire de grossesse, la parité. Elles ont leurs héroïnes : Simone Veil, Gisèle Halimi, « la Cause des femmes », « Ni putes ni soumises ». Et encore, je ne parle pas de tout : la maîtrise de l’électroménager, l’invention du bas indémaillable, puis du collant, l’irruption sur le marché du travail, les crèches, les allocations familiales, le congé parental. Beaucoup de choses ont été dites sur ces conquêtes. Mais il en est une dont personne ne parle – et qui me paraît pourtant majeure, fondamentale : le droit des femmes à se mettre à poil. Je veux dire totalement à poil.
Elles n’y sont pas encore arrivées, mais elles se rapprochent du but. L’évolution a été spectaculaire. Quand j’étais petit garçon, les dames – et ma maman en premier – portaient la robe au-dessous du genou. C’était déjà un progrès : leurs grands-mères, et encore leurs mères la portaient jusqu’à la cheville (laquelle cheville, du coup, paraissait à l’époque pour un détail anatomique très érotique : presque une zone érogène !). J’ai vu les jupes remonter petit à petit : jusqu’au genou, puis au-dessus du genou, puis très-très-beaucoup : jusqu’au ras des fesses. Glorieuse époque de la minijupe, qui ne cessa de rétrécir, non pas au lavage, mais à l’usage, jusqu’à devenir à peine plus large qu’une grosse ceinture. En dessous, les filles, généralement, portaient alors des collants. Un beau jour, elles ont cessé de mettre la jupe, se contentant du collant tout seul, sans rien par-dessus. Bravo !
Ayant ainsi conquis le bas, les filles se sont mises à attaquer le haut. Elles ont, timidement d’abord, puis de plus en plus nettement, laissé apparaître leur nombril grâce à une double action : descendante (des tailles basses de plus en plus basses) et ascendante (des hauts de plus en plus hauts). Poursuivant leur conquête, mais entamant cette fois leur progression par l’autre bout, c’est-à-dire non plus du bas vers le haut, mais du haut vers le bas, elles se sont ensuite occupées de leurs poitrines, laissant deviner la naissance des seins, puis inventant des décolletés de plus en plus audacieux : pigeonnants, plongeants, vertigineux.
Bientôt, c’est sûr, comme dirait la publicité mais en énonçant le slogan à l’envers, après avoir enlevé le bas, elles enlèveront le haut. Assurément, ce sera, Mesdames et Messieurs, un très grand progrès, une grande victoire : comme un retour à la préhistoire, à l’époque des cavernes. Et même avant : au Paradis terrestre – car Ève était bien toute nue, n’est-ce pas ?
C’est ce désir régressif, ce besoin de revenir au passé, cette irrépressible nécessité que ressentent les femmes de retourner en arrière qui explique (en tout cas, je ne vois pas d’autre explication) l’incompréhensible fascination des jeunes musulmanes – dont les mères ont été libérées du voile par les Atatürk, les Bourguiba, les Pahlavi – pour les pratiques anciennes. Seule différence avec leurs surs occidentales : au lieu de se déshabiller à qui mieux mieux, elles ont plutôt tendance à se couvrir, à s’emmitoufler, à s’emmailloter le plus possible. Le processus est donc inverse, mais le principe est le même.
Qu’on ne me reproche pas de tenir ici des propos misogynes : les hommes, je le reconnais bien volontiers, les mâles sont soumis, eux aussi, aux sentiments les plus paradoxaux. Ainsi, moi, bon vieux macho indécrottable, j’avoue être tiraillé entre l’indiscutable plaisir à voir toutes ces belles gamines, à Paris, Rome, Madrid ou Moscou, se promener seins, fesses et nombril à l’air, et le tout aussi indiscutable attrait qu’exerce sur moi une femme qui n’en montre pas trop, une femme qu’il faut deviner, une femme qu’il faut imaginer, fantasmer et donc désirer.

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