La Libye confirme ses ambitions en Afrique

Ministre libyen délégué aux Affaires étrangères, chargé des Relations extérieures et de la Coopération internationale, Mohamed Siala est en réalité le « monsieur Économie à l’international » du colonel Kadhafi. Actif sur tous les contrats et appels d’offr

Publié le 21 décembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Jeune afrique : Parmi les contrats paraphés lors de la visite du colonel Kadhafi en France figure un volet nucléaire civil. Mais ce programme est à ce jour hypothétique
Mohamed Siala : Le texte signé confirme que la France est disposée à construire en Libye un réacteur nucléaire civil destiné à la production d’électricité. Cet accord doit, à présent, être soumis par Paris à la Communauté européenne de l’énergie atomique [Euratom] pour approbation. Ensuite, nous passerons à la signature d’un contrat avec Areva pour l’achat d’un réacteur.

Y a-t-il un accord portant sur la recherche d’uranium en Libye ?
Pas pour l’instant. Mais si notre coopération se développe, nous pourrions l’envisager.

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Quels étaient les objectifs de ce séjour à Paris ?
Nous voulons que la France devienne un partenaire économique majeur de la Libye. Les grands groupes commencent à venir. Vinci, par exemple, a opéré sur le projet de la Grande Rivière artificielle [canalisations d’eau reliant les nappes phréatiques du sud aux villes côtières, NDLR]. Il participe à la construction de l’aéroport international de Tripoli, qui pourra accueillir 20 millions de passagers. Vinci est également présent sur le projet d’un hôtel cinq étoiles. Nous visons aussi les petites et moyennes entreprises (PME) françaises pour qu’elles établissent des partenariats avec notre secteur privé. Nous avons de nombreux atouts : une énergie bon marché ainsi qu’une main-d’uvre qualifiée et à bas coût. Par ailleurs, si nous créons des emplois pour les populations en provenance du continent, nous participerons à la lutte contre l’émigration clandestine vers l’Europe.

Vous voulez exporter vers vos voisins d’Afrique du Nord ?
Nous mettons en place trois zones franches. Nous sommes membres de l’Union du Maghreb arabe : de chez nous, les produits libyens et français peuvent donc aller au Maghreb. Nous sommes aussi membres du Comesa [marché commun de l’Afrique de l’Est, NDLR]. Et nous pouvons pénétrer tous ces marchés sans payer de droits de douanes.

Et l’Afrique subsaharienne ?
Nous voulons faire de la Libye un hub entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique latine. Nous allons également étendre les ports de Misurata et de Ras Lanuf, axés sur le fret à destination du continent. En prolongement de ces installations portuaires, il y a déjà une route qui relie al-Qatroun [dans le sud du pays] à Toummo, à la frontière nigérienne, et nous prévoyons d’en construire une autre de 1 500 km vers Agadez. Outre l’aéroport à Tripoli, nous allons construire une nouvelle aérogare à l’aéroport de Benghazi, ainsi qu’à Ghadamès et à Sebha. Nous avons également acheté 37 Airbus et acquerrons peut-être aussi des Boeing dans l’avenir car nos flottes se sont détériorées durant l’embargo.

La Libye examine actuellement son plan de développement économique 2008-2011. Il est axé sur les infrastructures. Pourquoi ce choix ?
Pour réhabiliter les infrastructures construites après la Révolution et qui se sont détériorées durant la période des sanctions internationales. Ce programme comprend notamment une autoroute est-ouest reliant les frontières égyptienne et tunisienne. Par ailleurs, nous améliorons notre capacité de production électrique et notre réseau haute tension pour le relier à ces deux pays. Nous construisons un nouveau port à Syrte, avec un tirant d’eau de 21 mètres, pour accueillir de gros navires céréaliers de 250 000 tonnes.

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Quel est le budget prévu pour tous ces chantiers étalés sur 2008-2011 ?
Les investissements s’élèvent à 180 milliards de dollars. Environ 65 % de ce programme porte sur les infrastructures.

Tous les projets discutés feront-ils l’objet d’appels d’offres ?
Non, pas tous. Pour certains, nous sommes plus pressés car nous voulons les inaugurer à l’occasion du 40e anniversaire de la Révolution, en septembre 2009. Nous menons donc aussi des négociations de gré à gré.

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Et dans le pétrole ?
Nous exportions dans le passé 3 millions de barils par jour [b/j] environ. Or notre capacité actuelle de production n’est plus que de 1,7 million b/j. Notre objectif est d’atteindre 2 millions d’ici au milieu de l’année 2008, puis 3 millions d’ici à 2010-2011. C’est pourquoi nous avons lancé autant d’appels d’offres dans les hydrocarbures.

À ce propos, la Libye a accordé, le 9 décembre, des permis d’exploration de gaz. Seules quatre sociétés ont été retenues [Gazprom, Sonatrach, la compagnie polonaise PGNIG et Shell], or 35 compagnies avaient répondu à l’appel d’offres
La procédure d’attribution a été transparente à 100 % et nous avons diffusé toutes les informations durant le processus d’appel d’offres. Il y avait plusieurs critères, dont la prime d’entrée et la part de production laissée à la National Oil Company [NOC]. Pour les contrats pétroliers, nous considérons que la compagnie étrangère doit laisser au moins 88 % des parts à la NOC et en garder 12 %. Nous visons quelque chose de semblable avec le gaz, mais sur ce premier appel d’offres les compagnies n’ont pas été très agressives.

Les investisseurs étrangers s’intéressent également aux privatisations, mais à ce jour peu de prises de participations ont été conclues
Sur les 360 entreprises publiques privatisables, la moitié est passée aux mains du secteur privé. Il s’agit la plupart du temps de petites structures reprises par des entrepreneurs libyens. En fait, ce sont les plus grosses entités qui intéressent les investisseurs étrangers : c’est le cas notamment des cimenteries avec le groupe Lafarge. Notre production annuelle de ciment est d’environ 5 millions de tonnes, et les besoins sont de 5 millions supplémentaires, que nous importons. Cette marge de progression laisse de la place à de nouveaux projets.

Les opérateurs téléphoniques sont-ils ouverts aux entreprises étrangères ?
Pas encore. Nous n’avons que deux opérateurs : Al Madar et Libyana. Ils ont été privatisés à 30 % au profit de particuliers libyens mais nous voulons aller plus loin. À ce jour, néanmoins, le marché s’est montré peu réceptif.

Où en est la réforme bancaire ?
L’État possède cinq banques commerciales, toutes sont à privatiser ! Nous avons commencé avec Sahara Bank, reprise par BNP Paribas [19 % du capital en août 2007, NDLR]. Pour Wahda Bank, la Société générale est en lice aux côtés d’autres candidats [Intesa Sanpaolo/Italie, Arab Bank/Jordanie, ABC/Barheïn, et Attijariwafa Bank/Maroc, NDLR]. Ensuite, Jumhuriya Bank [première banque libyenne, NDLR] et Umma Bank sont en train d’être fusionnées. Enfin, la National Commercial Bank sera peut-être rachetée par l’un des fonds d’investissement libyens. Ainsi, d’ici à un an, il n’y aura plus de banque commerciale entre les mains de l’État.

Quant à la modernisation des moyens de paiement ?
Pour moderniser une banque, vous avez besoin d’utiliser le transfert électronique, c’est-à-dire le système Swift, dont la technologie est détenue par les Américains, qui nous ont boycottés. Mais maintenant le problème est réglé. D’ici à trois mois, toutes les banques vont utiliser le transfert électronique via Swift. Les cartes bancaires Visa et Mastercard sont déjà en circulation. Moi, j’utilise une carte Visa libyenne.

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