Tunisie – Belhassen Trabelsi : pourquoi la demande d’extradition a « peu de chances » d’aboutir

Alors que la Tunisie a demandé l’extradition de Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ex-président Zine el Abidine Ben Ali, et que son arrestation en France soulève de nombreuses questions, la requête n’aurait que « peu de chances d’aboutir ». Explications.

Belhassen Trabelsi intervenant sur la chaîne de télévision Attessia TV, le 9 janvier 2017. © Capture d’écran Youtube/Attessia TV

Belhassen Trabelsi intervenant sur la chaîne de télévision Attessia TV, le 9 janvier 2017. © Capture d’écran Youtube/Attessia TV

Publié le 18 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

L’arrestation de Belhassen Trabelsi, puissant homme d’affaires et beau-frère de l’ancien président Ben Ali, n’a pas eu un grand écho médiatique en Tunisie, mais a suscité l’intérêt du milieu des affaires qu’il côtoyait avant sa fuite vers le Canada en 2011.

À Montréal, où il s’était installé avec sa famille, il n’avait pas obtenu le statut de demandeur d’asile et semblait s’être évaporé dans la nature depuis 2016, laissant femme et enfants sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Trois ans plus tard, alors que Belhassen Trabelsi a été arrêté dans le sud de la France et incarcéré à la prison des Baumettes à Marseille, le ministère des Affaires étrangères tunisien a demandé son extradition.

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Diverses versions circulent sur son interpellation, mais c’est surtout sa présence sur le territoire français qui interpelle. Objet de 43 mandats d’amener internationaux et de 17 mandats de recherche en Tunisie, aurait-il bénéficié de complicités et de faux papiers pour entrer dans l’Hexagone ? Selon des sources médiatiques et judiciaires à Tunis, il semblerait qu’il ait profité de l’identité de Fayçal Triki, l’un de ses avocats tunisiens, pour continuer à mener ses affaires en France où il se serait installé depuis 2016. Dans ce cas, de quel statut bénéficiait-il ? Comment un homme aussi connu que lui pouvait circuler en toute impunité et sans être reconnu dans la plus tunisienne des villes de France ?

La Tunisie, un « pays de non-droit »

Ce n’est pas la première fois que la famille Ben Ali est soupçonnée d’usurpation d’identités. En septembre 2018, le quotidien irlandais Irish Sun révélait ainsi qu’à la faveur d’une descente visant le faussaire Daniel Kinahan, la police de Nice avait mis la main sur des passeports irlandais établis au nom de Ben Ali, ainsi que des documents attestant l’ascendance irlandaise de l’ancien président. Officiellement réfugiés en Arabie saoudite depuis 2011, l’épouse de Zine el Abidine Ben Ali et ses enfants usaient de ce subterfuge pour circuler notamment en Europe, malgré les différents mandats lancés par Interpol.

Dans tous les cas, les procédures seront longues, puisqu’il faut d’abord qu’il réponde devant les tribunaux français des faits qui lui sont reprochés

La demande d’extradition de la Tunisie a peu de chances d’aboutir, selon un avocat tunisien, qui précise sous couvert d’anonymat que « dans tous les cas, les procédures seront longues, puisqu’il faut d’abord que Belhassen Trabelsi réponde devant les tribunaux français des faits qui lui sont reprochés [notamment usage de faux papiers, usurpation d’identité et séjour illégal]. Il ne sera extradable qu’une fois ce dossier définitivement classé. »

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Mais là encore, Belhassen Trabelsi disposera de plusieurs recours, dont celui de s’adresser à la Cour de justice de l’Union européenne, dans la mesure où la peine de mort est encore en vigueur en Tunisie. « Tous se souviennent de l’extradition en 2012 par Tunis de l’ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi, et surtout de ses conséquences [condamné à mort, il est toujours en détention à Tripoli, malgré un état de santé préoccupant]. Depuis, et en raison des écarts de la justice, la Tunisie est considérée par certaines instances internationales comme un pays de non-droit », souligne le pénaliste.

Les précédents Agrebi et El Materi

La procédure d’extradition sera longue, mais elle a également toutes les chances de ne pas aboutir, comme cela a été le cas pour Saïda Agrebi, figure de l’ancien régime et très proche de l’ex-couple présidentiel, ainsi que pour Moncef El Materi, père de Sakher, premier époux de Nesrine, fille de Ben Ali. Dans les deux cas, les avocats avaient plaidé le manque de preuves et la prescription. Ils arguaient également de la vindicte populaire en Tunisie exprimée par une justice « partiale », et avaient obtenu le rejet des extraditions par la chambre d’instruction de la cour d’appel.

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Cette dernière décision les protège définitivement de la justice tunisienne. Sakher El Materi réside désormais aux Seychelles où il s’est remarié, tandis que Slim Chiboub, autre gendre de Ben Ali, s’est présenté à la justice tunisienne et a intégré le processus de justice transitionnelle après un exil aux Émirats arabes unis. Aujourd’hui en liberté après plus d’un an de détention, ce dernier s’est acquitté de toutes les amendes exigées par l’État tunisien.

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