Eau et électricité : comment sortir de l’ombre…

Bien qu’il soit surnommé le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, le pays connaît une grave crise énergétique. L’État compte sur les partenaires privés pour le relancer.

Publié le 20 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

La Guinée est l’un des rares pays de l’Afrique de l’Ouest à disposer d’immenses ressources hydroélectriques. Et pour cause : trois grands fleuves la traversent, le Sénégal, la Gambie et le Niger, ce dernier se classant comme le troisième le plus long d’Afrique et le neuvième au monde.
On estime à 6 000 MW le potentiel hydroélectrique exploitable en Guinée pour une énergie annuelle garantie de 19 300 GW/h. Dotée de sept bassins, la Guinée maritime, qui s’étend le long de la côte Atlantique, détient 46 % du potentiel total. La Moyenne-Guinée, région montagneuse du centre du pays, compte elle aussi sept grands bassins, soit l’équivalent de 43 % du potentiel national. Les deux autres régions du pays que sont la Guinée forestière et la Haute-Guinée, qui compte le bassin du Niger, représentent respectivement 2 % et 9 % du potentiel hydroélectrique total.
Néanmoins, seuls 2 % de ce vaste potentiel sont exploités, alors que l’hydraulique fournit 56 % de l’électricité produite. De fait, le courant reste un produit de luxe pour l’essentiel de la population : 90 % des Guinéens n’y ont pas accès, faute de vivre dans les grands centres urbains. Pour améliorer la couverture du pays, le gouvernement a lancé un programme d’électrification rurale en 2002. Soutenu par la Banque mondiale, il a d’abord concerné une centaine de villages. Mais cette initiative devrait s’étendre à 300 villages.
La demande en électricité croît de 7 % chaque année, contribuant ainsi à la régularité et à la longueur des délestages dont souffre Conakry, réputé être la capitale de la sous-région la plus mal éclairée. S’agissant de l’eau potable, 38 % des urbains n’y ont pas accès, contre 47 % des ruraux.
Le problème des coupures de courant relève, selon le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, de la vétusté du réseau qui engendre des pertes de plus de 30 %. Il faut dire que le secteur de l’énergie est sinistré, en raison de l’insuffisance des crédits alloués par le gouvernement et des contre-performances de la société Électricité de Guinée (EDG), qui fournit plus de la moitié de l’énergie du pays. Des contre-performances qui s’expliquent d’une part par la mauvaise qualité des infrastructures de production et du réseau de distribution ; d’autre part par les pratiques frauduleuses de la plupart des consommateurs qui contribuent à désorganiser le secteur.

Déception à Garafiri
Trois grandes réalisations ont toutefois été entreprises ces dernières années par le gouvernement pour améliorer la capacité de la production d’électricité : la centrale thermique de Tombo III en 1997 et celle de Tombo V en 2004. Le problème de l’approvisionnement en énergie n’a pas changé pour autant, car l’argent manque pour financer le carburant nécessaire au fonctionnement de ces centrales thermiques
Mais l’initiative la plus décevante reste la centrale hydroélectrique de Garafiri, achevée en 1999 et dont la construction a coûté la coquette somme de 250 millions d’euros. Censé être le fleuron du réseau hydroélectrique de la Guinée, le barrage est aujourd’hui utilisé en sous-capacité. Négligence de la maintenance, utilisation exagérée en dépit d’un faible niveau d’eau, coupe abusive du bois aux alentours : la liste est longue pour expliquer les raisons pour lesquelles le barrage ne fonctionne pas à hauteur des espérances.
Les villes dites minières, là où sont implantées les grandes compagnies, restent ainsi une exception en matière de fourniture en électricité, car la production y exige un approvisionnement sans faille. Il va de soi en Guinée que des sociétés privées assurent un rôle de service public en fournissant la moitié des besoins en électricité du pays.

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Les mines et les ménages
En 2006, en accord avec la Banque mondiale, le gouvernement a remanié sa Lettre de politique sectorielle de l’eau (LPSE) censée déboucher sur un plan d’investissements prioritaires pour la période 2006-2010. L’objectif est triple : augmenter la production, améliorer le réseau électrique existant et le développer. Selon une étude financée par la Banque africaine de développement (BAD) sur la demande en électricité d’ici à 2025, le secteur des mines s’arrogera la plus grande partie de la consommation avec 47 %, contre 31 % pour les ménages. La demande totale atteindra 380,5 MW en 2010, de 949,24 MW en 2015 et de 1 098 MW en 2020.
En lien avec le secteur minier, 14 projets de barrages estimés prioritaires ont été définis. Une occasion en or pour la Chine, qui a bien évidemment saisi l’occasion de s’illustrer davantage auprès du gouvernement, via la société de construction de barrages Sino Hydro Corporation. En octobre 2006, des dirigeants de cette entreprise se sont rendus à Conakry pour s’engager auprès du ministère des Finances et de celui de l’Énergie et des Mines à réaliser le barrage de Souapiti, en Basse-Guinée, d’une puissance de 515 MW. Financée à 85 % par un prêt de la Chine (via l’Eximbank), la centrale doit être opérationnelle d’ici à quatre ans.
Le principe retenu par l’État guinéen est donc clair : accorder une plus grande place au secteur privé et se cantonner dans un rôle de régulateur. À la demande nationale croissante vient s’ajouter une demande sous-régionale de plus en plus axée, pour des raisons évidentes de coût, sur une énergie d’origine hydroélectrique. La Guinée a ratifié le protocole pour le libre accès au réseau électrique dans le cadre du West African Power Pool (Wapp), qui fait la promotion des échanges d’énergie au niveau des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Elle fait également partie de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG), qui projette l’aménagement de retenues d’eau en Guinée et au Sénégal et d’un réseau de plus de 1 770 kilomètres reliant les quatre pays membres que sont la Guinée, le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau.

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