Business à Conakry

Après une longue période d’attentisme, les opérateurs économiques semblent de nouveau s’intéresser au marché guinéen. Parallèlement, les bailleurs de fonds ont décidé de soutenir le gouvernement de Lansana Kouyaté.

Publié le 20 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Conakry, début novembre. La majorité des grands hôtels de la ville affiche complet. Visite d’un chef d’État ? Organisation d’un sommet international ? Rien de tout cela. En réalité, la capitale guinéenne est prise d’assaut par une nuée d’hommes d’affaires venus des quatre coins du monde. Depuis quelque temps, Conakry attire de nombreux investisseurs, cadres et ingénieurs de grands groupes miniers venus prendre pied dans un pays qui, dit-on, pourrait devenir, dans la prochaine décennie, un pôle majeur de l’industrie métallurgique africaine.
Dans le hall du Novotel, les Chinois se pressent, tandis qu’Américains, Australiens, Russes, Français, Allemands et investisseurs venus du golfe Persique parlent business. L’un évoque l’exploitation d’une mine de bauxite, l’autre un chantier de chemin de fer ou une raffinerie d’alumine. Les projets sont légion. En Guinée, pourtant, le contexte politique, encore instable, vient fréquemment perturber le climat des affaires. Ce n’est donc pas un hasard si, sur les quatorze points listés dans la lettre de mission établie pas les acteurs syndicaux qui ont « imposé » Lansana Kouyaté à la tête du gouvernement de consensus, deux attirent tout particulièrement l’attention des opérateurs économiques et des bailleurs de fonds : la préservation de la paix et l’amélioration de la gouvernance.
Mis en place en mars 2007, le gouvernement Kouyaté, après une période d’état de grâce, a été confronté, dès le mois de juillet, au mécontentement d’une partie de la population, impatiente de voir son sort s’améliorer. Le 3 juillet, les responsables des principales centrales syndicales ont adressé une lettre au Premier ministre dans laquelle ils le pressaient de respecter le protocole d’accord du 27 janvier qui lui tient lieu de feuille de route. Réponse immédiate du gouvernement, qui a aussitôt lancé un « programme d’urgence ». Ses objectifs : redonner espoir aux populations en répondant de manière concrète à leurs attentes prioritaires sur le front social et de la gouvernance, consolider l’État de droit à travers le renforcement du dialogue politique et social et la tenue d’élections législatives consensuelles et crédibles, et créer les bases d’une reprise du processus de développement du pays.

De l’eau et de l’électricité
Pour la plupart des opérateurs économiques, le point essentiel du programme restait l’accès à l’eau et à l’électricité. Personne ne conteste aujourd’hui que l’objectif a été partiellement atteint. Depuis septembre, la capitale bénéficie d’une meilleure desserte en eau et en électricité. On sait que s’il s’agit là d’un élément déterminant de l’humeur de la population, il l’est également pour les chefs d’entreprise, qui savent ce que leur coûtent les coupures d’électricité intempestives. Autre point d’action du programme, le renforcement des services de transport public à Conakry devrait bientôt être effectif grâce à un soutien financier de l’Inde (13 millions de dollars) qui a promis, en outre, la livraison d’une centaine de bus. Le gouvernement doit également finaliser les audits de gestions des administrations publiques, notamment celui de la Banque centrale dont le fonctionnement actuel pénalise les opérateurs. En attendant la revue des accords et des conventions d’exploitation des ressources minières particulièrement attendue par les milieux des affaires et les bailleurs de fonds.
Présenté le 25 juillet 2007 à Paris par le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, Ousmane Doré, le programme d’urgence, dont les besoins financiers se chiffrent à 123 millions de dollars, a été favorablement accueilli par les bailleurs de fonds. La rencontre organisée par la Commission européenne et la Banque mondiale a permis de mobiliser 90 millions de dollars. Et le gouvernement a débloqué 45 millions de dollars pour mener à bien son programme.

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Tensions persistantes
Les tensions sociales ne s’en sont pas pour autant apaisées. Sept mois après les manifestations qui ont fait 120 morts et des dizaines de millions de dollars de dégâts matériels, les habitants de certains quartiers de Conakry sont, une nouvelle fois, descendus dans la rue, en septembre, pour protester contre le niveau élevé du prix des produits de première nécessité. Afin d’apaiser la grogne, le gouvernement a fait importer « à titre exceptionnel » des tonnes de riz, de sucre et d’huile. Une opération de vente administrée qui montre bien que le système économique reste bancal. Si elle a soulagé ponctuellement la population, elle ne constitue en rien une réponse durable à un problème récurrent. Reste que les autorités semblent avoir regagné la confiance du milieu des affaires et des bailleurs de fonds. La dernière mission du Fonds monétaire international (FMI), en octobre, a permis de valider un accord préliminaire sur un programme triennal qui doit être confirmé par le conseil d’administration du Fonds, à Washington. Résultat : le pays a reçu une aide financière supplémentaire et a vu sa dette – qui représente plus de 100 % de son PIB – annulée. L’ensemble des bailleurs de fonds s’est engagé à financer le plan d’action du gouvernement pour la période 2007-2010 à hauteur de 400 millions de dollars. Mais l’indicateur le plus significatif de la confiance retrouvée est celui donné par les investisseurs privés, qui projettent d’investir massivement dans les secteurs des mines, des transports et de l’énergie.

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