Trois questions à… Amsatou Sow Sidibé

Publié le 25 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Amsatou Sow Sidibé est professeur titulaire de la chaire de droit privé à l’université
Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
Jeune Afrique/L’intelligent : Quels étaient les objectifs visés par les pouvoirs publics il y a trente ans, lors de l’élaboration de ce Code de la famille ?
Amsatou Sow Sidibé : Il s’agissait de renforcer l’unité du pays en consolidant la conscience nationale, et d’assurer l’égalité juridique des citoyens en évitant au maximum
la diversité des statuts et la hiérarchie entre les individus. Il fallait aussi faciliter
l’intégration de la République du Sénégal dans le concert des nations modernes. Enfin, et surtout, il faut louer au passage la volonté affichée du président Senghor, pour qui l’idée majeure consistait à mieux protéger les femmes.

J.A.I. : Comment expliquez-vous que certains musulmans se sentent rejetés par ce code ?
A.S.S. : Il faut reconnaître une chose : dans le code de 1972, le droit moderne est le principe et le droit musulman est considéré comme l’exception. Il fallait bien faire un choix. Cela dit, la réalité que constitue l’islam dans un pays à majorité musulmane a plané tout au long des travaux de codification. Pour preuve, le législateur sénégalais a même montré sa préférence pour le droit musulman par rapport aux coutumes négroafricaines
considérées comme étant anachroniques et contraires au développement. Une certaine forme
d’injustice qu’on pourrait d’ailleurs imaginer de rectifier à l’avenir. Les musulmans ne doivent donc pas se sentir lésés. En matière de succession par exemple, un sujet sur lequel les croyants se montrent très sensibles, l’article 396 du Code de la famille édicte que lorsque les dispositions générales, applicables à tous, sont exceptionnellement en contradiction avec le droit musulman, on n’est plus en présence de dispositions générales mais de dispositions de droit moderne, applicables à ceux qui n’ont pas choisi le droit musulman. Autrement dit, ce système du pluralisme permet toujours au musulman qui veut respecter sa religion de s’y retrouver.

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J.A.I. : C’est vrai jusqu’à certaines limites. Le code a par exemple interdit la répudiation.
A.S.S. : La répudiation est une rupture unilatérale du mariage par le mari. C’est prendre la femme comme un objet dont on se débarrasse quand on n’en a plus besoin. C’est une
pratique moyenâgeuse, inadmissible dans un pays civilisé. La laïcité est d’autant plus défendable au Sénégal que l’islam prône la liberté de conscience. C’est pourquoi ce projet du CIRCOF ne peut être regardé que comme un combat d’arrière-garde. Il faut pouvoir se projeter plus loin pour le Sénégal : au moment du drame du Joola, on a enterré ensemble, ici à Dakar, des catholiques et des musulmans. En prenant une image, on pourrait
dire que c’est une révélation divine en faveur de la laïcité !

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