Terrorisme, résistance et révolution

Publié le 20 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Dans le langage courant, le mot « terrorisme » est utilisé pour désigner les actions violentes menées par des individus ou des groupes afin de déstabiliser des pouvoirs en place en s’en prenant à des innocents. De telles actions sont évidemment condamnables, même si elles sont parfois la seule arme dont disposent les pauvres, les faibles, et les opprimés, ce qui, d’ailleurs, devrait inciter les « puissants de ce monde » à supprimer les causes du terrorisme.
Il faudrait aussi que soient condamnées, avec autant de vigueur, les actions sanglantes menées par certains gouvernements qui, tout en étant légitimes et reconnus par la communauté internationale, n’hésitent pas à tuer et à blesser d’innombrables innocents pour réaliser leurs objectifs politiques et stratégiques. C’est le cas en maintes
régions du monde, y compris quand les bombardements américains ou les « assassinats ciblés » d’Ariel Sharon tuent et blessent des vieillards, des femmes, des enfants.

Trop souvent aussi, de nos jours, on appelle « terrorisme » ce qui est une résistance légitime à l’occupation étrangère. On connaît, à ce propos, la phrase célèbre du général de Gaulle, dans sa déclaration du 27 novembre 1967 : « Israël organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation, qui ne peut aller sans oppression, répression,
expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme. » Comme les maquisards français de 1940-1945, les Palestiniens luttant contre l’armée d’occupation israélienne sont des « résistants », non des « terroristes ».
Enfin, il y a les « révolutionnaires ». Ceux-là veulent abattre un régime ou un système en
place, qu’ils jugent oppresseur et injuste. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à recourir à la violence. Ce fut le cas des révolutionnaires français de 1789-1792, dont on vante souvent les acquis, en oubliant parfois que leur action fit beaucoup d’innocentes
victimes.
C’est à la lumière de ces quelques réflexions qu’on peut, me semblet-il, lire le livre très éclairant que vient d’écrire Ilich Ramírez Sánchez, alias Carlos, sous le titre L’Islam révolutionnaire(*).
Contrairement à ce que disent souvent les médias, Carlos n’est pas un « terroriste », mais un « révolutionnaire », comme le fut Che Guevara. Né dans un milieu aisé, et catholique mère très croyante, père devenu marxiste , il a rencontré l’islam en combattant avec les résistants palestiniens, puis en prison, où il découvrit davantage
la dimension spirituelle du message coranique.

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Un des grands intérêts de son livre, c’est qu’il aborde le délicat et important problème des relations entre religions et révolution. À ce sujet, on sait qu’il y eut jadis et qu’il y a encore aujourd’hui plusieurs façons d’interpréter les Livres saints. Pour
certains croyants, on peut y trouver un appel à la lutte révolutionnaire contre l’oppression. Ce fut la position des chrétiens partisans de la Théologie de la libération, en Amérique latine ; c’est celle de certains musulmans qui se réfèrent au Coran pour combattre des gouvernements jugés « impérialistes » ou « dictatoriaux ».
De telles interprétations comportent le grave risque de faire de la religion une idéologie politique, alors que l’Ancien Testament, l’Évangile et le Coran appellent au respect envers toute personne humaine et sont une lumière sur le sens ultime de la vie et de la mort. Mais comment ne pas se rappeler aussi que la foi en Dieu est un appel à chercher la justice et à la promouvoir en ce monde ?
À cet égard, le livre que vient d’écrire Carlos, en particulier les pages très émouvantes dans lesquelles il évoque son itinéraire spirituel, méritent de retenir toute notre attention. Aurons-nous l’intelligence et le courage de la lui accorder ?

* Textes et propos recueillis par Jean-Michel Vernochet, Éditions du Rocher, 2003.

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