Tapis rouge pour Mbeki

Le successeur de Mandela entretient d’excellentes relations avec Jacques Chirac. Sa visite à Paris en a été l’illustration. Mais les échanges commerciaux entre les deux pays ne sont pas encore au diapason.

Publié le 21 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Il était déjà venu à l’occasion du sommet de Marcoussis, en janvier. Puis pour le sommet Afrique-France, un mois plus tard. Et à nouveau pour la réunion du G8 à Évian, en juin. La visite que Thabo Mbeki a faite en France du 17 au 19 novembre était donc la quatrième depuis le début de l’année. Tapis rouge, Champs-Élysées pavoisés aux couleurs de la nation Arc-en-Ciel… Pour accueillir le président de la République sud-africaine, les autorités françaises ont sorti le grand jeu. Il est vrai que, cette fois, il s’agissait d’une visite d’État.
Quarante-huit heures ont à peine suffi pour venir à bout du programme fort chargé de la délégation sud-africaine. Lors de leur tête-à-tête, Jacques Chirac et Thabo Mbeki ont pu vérifier leur communauté de vues sur la plupart des sujets, qu’il s’agisse de la crise ivoirienne (mise en oeuvre des accords de Marcoussis), du processus de paix au Burundi ou de la fragile transition engagée en RD Congo. Ils sont également d’accord sur la nécessité de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU et d’octroyer à l’Afrique un siège de membre permanent. « Ce serait pour nous un privilège de siéger aux côtés de l’Afrique du Sud », a insisté Chirac.
Après l’Élysée, Mbeki s’est lancé dans une véritable course contre la montre : Matignon, pour une rencontre avec le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin ; le Quai d’Orsay, où il s’est entretenu avec Dominique de Villepin, le chef de la diplomatie française ; puis le Sénat ; l’UNESCO ; la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP)… Mais le point culminant de sa visite a été le discours solennel et quelque peu lyrique qu’il a prononcé devant l’Assemblée nationale. Avant lui, un seul Subsaharien avait eu le privilège de prendre la parole dans l’Hémicycle : l’ancien président sénégalais Abdou Diouf. Mais Mbeki y tenait. Après tout, Villepin ne s’est-il pas adressé aux députés sud-africains, au mois de juillet ?
À la tribune de l’Assemblée, le Sud-Africain n’a pas ménagé ses effets. Il a commencé son discours par une citation de Robespierre en français dans le texte (« l’aube du jour lumineux du bonheur universel ») et l’a clos par une autre citation, de Jean-Jacques Rousseau cette fois. Il n’allait sans doute pas de soi de faire vibrer la fibre révolutionnaire de députés très majoritairement de droite !
Quoi qu’il en soit, les visites croisées de Mbeki à Paris et de Chirac à Johannesburg (en septembre 2002) témoignent du renouveau des relations franco-sud-africaines. Le rapprochement est d’autant plus net que les deux présidents sont manifestement sur la même longueur d’onde : Mbeki invite l’Occident à favoriser la « renaissance africaine » quand Chirac se fait l’avocat du continent auprès de ses collègues du G8 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’Afrique du Sud compte sur la France pour l’aider à assurer son leadership continental, et cette dernière ne pouvait rêver d’un meilleur partenaire au sein des pays en développement.
Témoin du renforcement des relations commerciales entre les deux pays, la société française Alcatel a annoncé le lancement d’un grand projet d’équipement en technologies de l’information à destination des communautés rurales sud-africaines. Et notamment de mille six cents producteurs de coton.
Cela ne signifie pas que tout est rose. Lors d’une réunion de la Commission mixte au ministère des Finances, les deux parties ont été amenées à évoquer les négociations en cours au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Et les critiques souvent fort vives adressées par les Sud-Africains aux pays du Nord, France comprise. D’ailleurs, les liens commerciaux entre les deux pays sont encore loin de ce qu’ils pourraient être, comme l’a rappelé Alec Erwin, le ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie devant les chefs d’entreprises françaises rassemblés à la CCIP. La France n’est que le 12e client et le 7e fournisseur de l’Afrique du Sud. Et si l’Agence française de développement (AFD) a trouvé un partenaire de choix avec la Banque de développement de l’Afrique australe (DBSA), dont le siège est à Johannesburg, les investissements privés font encore largement défaut.
Mais les sujets qui fâchent ont été soigneusement évités, du moins publiquement. Ni le scandale Jacob Zuma, le vice-président sud-africain accusé d’avoir reçu un pot-de-vin de l’entreprise française Thomson dans le cadre d’un contrat d’armement, ni la question des subventions aux agriculteurs français n’ont été évoqués. Par ailleurs, au moment où un plan de lutte contre le sida vient enfin d’être approuvé par le gouvernement sud-africain, la France s’est bien gardée de revenir sur la polémique qui a longtemps opposé le président Mbeki à l’ensemble de la communauté internationale. En revanche, il a été question du soutien « personnel » que Chirac a apporté à la candidature marocaine pour l’organisation de la Coupe du monde de football 2010. On sait que ce soutien a beaucoup contrarié les Sud-Africains… Répondant aux questions des journalistes, le président français a indiqué, dans un sourire, qu’il « tiendra le plus grand compte de l’avis amical mais pressant qu’il [Mbeki] lui a transmis ». Comprenne qui voudra. Naturellement, son visiteur s’est abstenu de tout commentaire.

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