[Tribune] La leçon des étudiants algériens

Ce n’était pas forcément acquis. Les étudiants algériens ont promptement réagi à la décision du président Abdelaziz Bouteflika de prolonger de facto son quatrième mandat à la tête de l’État. Dans toute l’Algérie, ils ont dénoncé la ruse funeste à travers des débats organisés sur les campus, de Béjaïa à d’Alger, de Tlemcen à Constantine.

Des étudiants algériens lors des manifestations du 26 février à Alger, pour dénoncer la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. © Anis Belghoul/AP/SIPA

Des étudiants algériens lors des manifestations du 26 février à Alger, pour dénoncer la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. © Anis Belghoul/AP/SIPA

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  • Benaouda Lebdai

    Benaouda Lebdai est professeur des universités et chroniqueur littéraire, spécialiste de littérature africaine.

Publié le 28 mars 2019 Lecture : 2 minutes.

La voix des universités s’ajoute ainsi à l’édifice de la contestation généralisée et contribue à la structurer. À travers des concepts théoriques et des formules critiques, elle apporte une dimension réflexive à la réaction spontanée et émotionnelle du peuple qui refuse l’humiliation de trop, qui rejette un système corrompu, celui du clan Bouteflika.

Dans cette révolte gigantesque et digne, les étudiants se retrouvent ainsi en première ligne. Cela est d’autant plus à souligner que l’université algérienne a été souvent critiquée pour sa médiocrité.

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Sens du civisme

Ces jeunes, souvent décrits comme incultes, ne cherchant que la réussite facile, démontrent, en ce printemps 2019, qu’ils sont structurés politiquement, qu’ils peuvent faire preuve d’une lucidité impressionnante et d’un civisme qui forcent le respect.

La rage de vivre dignement a supplanté les égoïsmes supposés

Ils inspirent même leurs camarades partis poursuivre leur cursus à l’étranger : de la France au Canada et aux États-Unis, les élèves expatriés prennent conscience de l’enjeu et participent eux aussi au mouvement révolutionnaire.

C’est que la rage de vivre dignement a supplanté les égoïsmes supposés. Dans la rue et sur les réseaux sociaux, ils exigent une IIe République, laïque et démocratique. Chaque jour, ils expriment leur colère et leur refus du clanisme et des passe-droits, leur rejet d’une oligarchie qui ne travaille que pour elle-même et rappelle que « l’Algérie est une république et non un royaume ».

Cette nouvelle génération s’inscrit dans la droite ligne des héroïnes de la lutte anticoloniale, comme Djamila Bouhired ou Zohra Drif, qui sont elles-mêmes descendues dans la rue pour fustiger le clan Bouteflika. Ils reprennent d’ailleurs les slogans nés durant la colonisation, à l’image du vibrant « Un seul héros, le peuple ». Tout comme leurs aînés qui s’étaient révoltés contre l’injustice du système colonial, ils luttent aujourd’hui contre les abus perpétués par le système postcolonial, pour changer le cours de l’Histoire. Ils portent en eux l’espoir d’une Algérie digne, juste et démocratique.

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