À Govobanda, village de Centrafrique, agriculteurs et éleveurs retrouvent le chemin de la paix

Sur les étals du marché d’Awatché, un village de Centrafrique, colliers, hampes et jarrets de boeuf s’exposent au soleil sous les regards gourmands des villageois. Les éleveurs peuls sont revenus et avec eux la viande fraiche disponible à bon prix.

Un chef de milice et un agriculteur dans le village d’Awatché en mars 2019 © AFP – Florent Vergnes

Un chef de milice et un agriculteur dans le village d’Awatché en mars 2019 © AFP – Florent Vergnes

Publié le 24 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

« Depuis le mois de novembre 2018, les Peuls reviennent chez nous ici ! », annonce fièrement Félicien Katiako, le chef du village de Govobanda, tout près d’Awatché, dans le centre de la Centrafrique.

Ces éleveurs semi-nomades avaient fui leurs villages en 2014, au plus fort de la crise en Centrafrique, par peur des violences intercommunautaires avec les agriculteurs sédentaires.

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Aujourd’hui, l’heure est à une cohabitation harmonieuse, qui s’apprécie jusque dans l’assiette des villageois.

« Nous mangeons le b?uf ici chaque semaine avec les Peuls, et eux peuvent avoir du manioc », se réjouit Gervais Koyobogui, président des villages du secteur d’Awatché situés sur la route qui relie Bambari à Kouango.

« La cohésion sociale rend le village autonome et augmente ses capacités », renchérit Philippe Tougba, conseiller-médiateur dans ce regroupement de villages.

En Centrafrique, comme dans d’autres pays de la région, les conflits entre éleveurs et agriculteurs sont fréquents, notamment à cause des destructions de champs et des vols de bétail.

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Mais la crise en Centrafrique a amplifié les violences liées à la transhumance.

Des familles peules de retour

En 2013, la Séléka, une rébellion à dominante musulmane, venue du nord du pays, a pris le pouvoir à Bangui, avant d’en être chassée. En réaction, des milices antibalaka, prétendant défendre les chrétiens et les animistes, se sont formées dans plusieurs régions.

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Le bétail est l’objet de la convoitise des groupes armés, qui en tirent une manne financière importante (un boeuf à Awatché coûte environ 500.000 francs CFA, soit 757 euros).

En réponse aux vols et taxations des miliciens anti-balaka ou des groupes armés issus de l’ex-Séléka, certains éleveurs s’arment à leur tour et répondent par de brutales représailles.

« La présence dans les rangs de l’ex-Séléka de jeunes Peuls (…) a suscité des amalgames et provoqué un cycle de représailles sanglantes », expliquent les chercheurs Florent Ankogui-Mpoko et Thierry Vircoulon, dans un rapport sur la transhumance publié en mars 2018.

Entre 2014 et 2015, Awatché a été attaquée à trois reprises par les forces rebelles issues de la Séléka.

Par peur de représailles des agriculteurs contre leur communauté, les familles peules ont quitté les villages pour se réfugier dans les zones contrôlées par les groupes armés issus de l’ex-Séléka. Mais ils n’y ont pas trouvé la sécurité qu’ils espéraient. Au contraire.

« Je suis revenu à Awatché, il y a trois mois, car là-bas, on souffrait trop », raconte Mohammad. Coiffé d’un turban blanc, le regard vif, cet éleveur peul affirme avoir perdu 280 boeufs, volés ou réquisitionnés par les groupes armés en guise d’ »impôt ».

Se protéger des antibalaka et des combattants de l’UPC

« Chaque mois, les Sélékas me prenaient deux ou trois boeufs ! », se souvient Joden, un autre éleveur rentré au village. Les éleveurs sont progressivement revenus, à l’initiative de certaines familles et après des réunions de médiation organisées par les autorités.

Aujourd’hui, les habitants d’Awatché et des villages alentour ne croient plus à la rhétorique communautaire des groupes armés.

« Nous protégeons le village contre les voleurs, les antibalaka et les UPC », les membres de l’Unité pour la paix en Centrafrique, un groupe armé issu de la Séléka, explique Simplice, un grand homme décharné, membre du comité d’autodéfense d’Awatché. « Hier encore, nous avons arrêté un voleur, il a été emmené à Bambari ».

Le village dispose aussi d’un mécanisme pour régler les problèmes de destruction de champs par le bétail. « On réunit les deux personnes dans le champ, on fait le constat et on revient chez le chef pour voir combien doit être dédommagé », détaille Philippe, le médiateur des villages.

Mais dans le reste du pays, à l’inverse de l’équilibre atteint à Awatché, les conflits liés à la transhumance continuent d’alimenter le conflit.

En janvier, plus de 13 personnes ont été tuées à Zaoro Sangou, dans l’ouest de la Centrafrique, par des Peuls armés, qui entendaient se venger contre des meurtres d’éleveurs commis quelques jours plus tôt.

La tuerie avait entrainé des représailles à l’encontre de la communauté musulmane de Carnot, à proximité du village. Des musulmans y avaient été agressés, des boutiques pillées, une mosquée incendiée.

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