Objectifs stratégiques

Publié le 24 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Encore l’Irak. Près de sept mois après l’annonce par George W. Bush de la fin de la guerre, celle-ci continue de faire rage, semant la mort, y compris parmi les soldats de « la coalition » dont on ramène les corps par dizaines dans les pays qui les ont envoyés pour… consolider la paix.
La plupart des analystes, y compris ceux qui ont approuvé la guerre et soutiennent la politique de Bush, pensent que les États-Unis sont embourbés et risquent fort de perdre la paix.
Ce n’est pas mon avis.

Je continue, bien sûr, à désapprouver fortement cette guerre, à trouver détestables la
politique, le comportement et, plus généralement, les idées de Bush et de son administration. De surcroît, le soutien sans réserve qu’ils donnent à la très mauvaise politique de Sharon le bourreau et leurs attaques contre Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne les victimes me paraissent inqualifiables.
Mais cela ne m’empêche pas de discerner qu’en dépit de leurs erreurs, parfois énormes, et quels que soient leurs déboires du moment (et ceux à venir), ils ont atteint et atteindront leurs buts stratégiques.
1. Ils ont déjà renversé Saddam Hussein et sa clique, démantelé sa dictature tribale et
familiale, mis à bas son système, et en ont débarrassé l’Irak, les Irakiens et la région (dont, important pour eux, Israël).
Avantage collatéral obtenu : terrorisés, les homologues arabes du dictateur irakien sont
encore plus soumis et obéissants que par le passé.
2. Quoi qu’il se passe dans les prochains mois sur les plans politique, économique et
militaire, quels que soient le ou les pouvoirs qu’on verra s’installer à Bagdad, à Bassora
et à Mossoul, l’Amérique contrôlera ces pouvoirs mieux encore qu’elle ne contrôle ceux
d’Arabie saoudite, de Jordanie ou d’Égypte.
Les membres de la nouvelle armée irakienne et des forces de sécurité du pays auront été
sélectionnés, formés, armés et payés par les États-Unis. Et vous pouvez faire confiance aux successeurs des forces de Saddam pour assurer l’ordre et réprimer sans états d’âme « les fauteurs de troubles ».
Les militaires américains ? Il en restera dix mille, vingt mille ou trente mille dans le pays, pour dix, vingt ou cinquante ans. Comme en Allemagne, au Japon, en Corée ou au Koweït et au Qatar.
Quant aux entreprises publiques irakiennes, elles auront été (ou seront en train d’être) privatisées sous influence et contrôle américains.
Last but not least, le pétrole irakien : n’en doutez pas, il profitera à l’Irak et aux
États-Unis.

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Les Irakiens ne supportent pas l’occupation militaire étrangère, comme ils l’ont montré en
1920 avec les Anglais et le confirment en 2003 face aux Américains. Mais ils acceptent
d’être gouvernés d’une main ferme, comme le prouve le long règne de Saddam. Les
Américains ont fini par le comprendre et c’est pourquoi ils ont mis en route leur programme « d’irakification ».
Il est clair à mes yeux que l’Amérique n’apportera pas la démocratie aux Irakiens, pas plus qu’elle ne l’introduira dans le reste du Moyen-Orient. Mais elle a, à mon avis, de bonnes chances de parvenir, en 2004, à faire gouverner le pays de Saddam par des Irakiens qu’elle aura choisis et dont elle contrôlera les grandes orientations et les décisions.
L’Irak a déjà coûté cher à l’Amérique de George W. Bush, en vies humaines et en milliards
de dollars. Cette Amérique, qui sait compter, n’en sera que plus exigeante et portée à se faire rembourser.

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