Nadia Yassine dévoilée

Publié le 20 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Avec Tahar Ben Jelloun, Jamel, les desperados du détroit de Gibraltar et les charmeurs de serpents de la place Jemaa el-Fna, elle est aujourd’hui l’une des figures du royaume les plus connues à l’étranger. Nadia Yassine, 45 ans, ne néglige rien de ce qui est médiatique : elle parle beaucoup, intervient sur tout, écrit volontiers et publie en cette fin d’année un livre – Toutes voiles dehors – au titre évocateur. Une frénésie communicatrice qui s’explique aisément par la fonction clé que cette mère de quatre enfants occupe au sein du plus important mouvement islamiste du Maroc, Justice et Bienfaisance, fondé et dirigé par son père, le cheikh Abdessalam Yassine, dont elle est la porte-parole.
Licenciée en sciences politiques, parfaitement francophone, à la différence du guide septuagénaire d’Al-Adl wal Ihsane, Nadia Yassine a toujours représenté le visage moderne, tolérant – et féminin – d’un mouvement multiforme et de mieux en mieux structuré, fort de plusieurs dizaines de milliers de membres et de multiples associations caritatives et éducatives, que le pouvoir tolère et surveille après de longues années de répression. Fidèle à la pensée du vieux cheikh, qui dénie au roi le titre de Commandeur des croyants, mais n’a jamais prôné le recours à la violence, Nadia Yassine se démarque à la fois des extrémistes de la Salafia Jihadia, dont elle juge les imams « quasi analphabètes », et des légalistes BC-BG du Parti de la justice et du développement, qualifié de « courant islamiste minoritaire qui a choisi de fréquenter le pouvoir ». Un équilibrisme savant au parfum discrètement féministe – son mari, Abdallah Chibani, l’un des dirigeants du mouvement, sert volontiers le thé lorsqu’elle reçoit les journalistes, et elle s’est prononcée en faveur de la réforme de la Moudawana – que l’on a bien du mal toutefois à prendre pour autre chose qu’une habileté, un écran de fumée destiné à masquer la véritable nature de Justice et Bienfaisance. Celle d’une contre-société, passablement sectaire, dont le but est de faire basculer le Maroc, par la persuasion, l’usure et la pénétration du corps social, dans le califat.
En attendant ce grand soir, la fille du cheikh communique et écrit. Au risque de paraître immodeste, tant elle use et abuse de citations puisées au sein d’une culture qu’elle combat pourtant. Au risque, surtout, de se dévoiler. Nous avons demandé à l’un des plus grands penseurs musulmans contemporains, l’historien tunisien Mohamed Talbi, dont les travaux sur l’islam font autorité, de lire le livre de Nadia Yassine. Et de réagir.

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