[Analyse] Côte d’Ivoire : quand Blé Goudé joue sa propre carte
Charles Blé Goudé, qui avait jusqu’à présent lié son destin politique à celui de Laurent Gbagbo, tente de tracer sa propre voie. Le premier live Facebook enregistré ce mercredi 27 mars à La Haye (Pays-Bas) semble en effet marquer la volonté d’un homme libre de toute pesanteur filiale.
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André Silver Konan
Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.
Publié le 27 mars 2019 Lecture : 3 minutes.
Que retenir de la première sortie médiatique de Charles Blé Goudé depuis sa libération conditionnelle, décidée en janvier dernier par la Cour pénale internationale (CPI) ? Première remarque : l’homme souhaite qu’on retienne de lui un homme libre, et non derrière les barreaux ou soumis à des restrictions. « Aujourd’hui, je peux enfin m’adresser à vous en homme libre », a-t-il attaqué son allocution de douze minutes, au cours de laquelle il est apparu tantôt souriant, tantôt grave.
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Deuxième remarque : Blé Goudé tente de prendre son indépendance vis-à-vis de son « père », son mentor Laurent Gbagbo, ex-chef de l’État et ancien co-pensionnaire à la prison de Scheveningen. Il n’échappera pas à l’observateur averti que le ministre de la Jeunesse de Gbagbo du temps de la crise postélectorale de décembre 2010 à avril 2011 n’a évoqué le nom de ce dernier qu’une seule fois. Et ce n’était non pas pour marquer son soutien « indéfectible » à sa personne, comme par le passé, mais pour rappeler les conditions de leur libération commune. « Le 1er février 2019 à 19 heures, les portes de la prison se sont ouvertes pour le président Laurent Gbagbo et moi », a-t-il ainsi déclaré.
https://www.facebook.com/goudeblecharles/videos/298630694151477/?v=298630694151477
Au-dessus des partis
Troisième remarque, conséquente aux deux premières : Blé Goudé joue désormais sa propre carte. « Je suis disposé à encourager toutes les initiatives en faveur de l’édification d’une société qui sache tirer les leçons de son passé douloureux », a-t-il fait remarquer, précisant : « En ce qui me concerne, je ferai ma part. Et comme je l’ai toujours répété, je serai un instrument au service de la paix et de la réconciliation dans mon pays. »
S’il n’a pas fait référence au FPI, l’ex-ministre n’a pas non plus fait allusion au PDCI et s’est gardé d’attaquer frontalement le bilan du président Ouattara
Quatrième remarque : s’il n’a pas fait référence au Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo), traversé actuellement par une grave crise, l’ex-ministre n’a pas non plus fait allusion à la plateforme du patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié – que certains de ses collaborateurs à Abidjan ont pourtant régulièrement rencontré. De même, il s’est gardé d’attaquer frontalement le bilan du président Alassane Ouattara et du pouvoir du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
« L’espoir de nous voir tous unis »
L’ancien « Général de la rue », ainsi surnommé pour sa capacité à soulever les foules alors que la Côte d’Ivoire était divisée par une rébellion armée, veut plutôt se poser en homme de paix et de réconciliation. « Je n’encouragerai aucune tentation de vengeance ni aucune velléité de revanche, a-t-il insisté. Vengeances sur vengeances, revanches sur revanches, ne feront que précipiter notre pays dans l’abîme, dans le chaos, bref, dans un déclin irréversible. »
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Cinquième et dernière remarque : Blé Goudé affiche son ambition politique d’homme qui veut se placer au-dessus de la mêlée. « Il est vrai que ma détention a été physiquement éprouvante. Cependant, elle n’a aucunement altéré mon moral. D’ailleurs, l’espoir de nous voir tous unis de nouveau dans un beau pays ne m’a jamais quitté », a-t-il conclu.
On remarquera l’emploi du « nous » inclusif, qui peut aussi bien représenter Laurent Gbagbo que les Ivoiriens, mais aussi et surtout l’usage, dans la même phrase, de l’expression « ne m’a jamais quitté ». En effet, Blé Goudé n’a pas dit « ne nous a jamais quittés ». Ultime preuve qu’à 47 ans, le fondateur du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) entend bien affirmer son ambition personnelle.
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