Sénégal : la série « Maîtresse d’un homme marié » dans le viseur des associations religieuses

Visée par une plainte déposée devant le CNRA par l’association islamique Jamra et du Comité de défense des valeurs morales du Sénégal, la série « Maîtresse d’un homme marié », diffusée sur la 2sTV, risque des sanctions allant jusqu’à l’interdiction de diffusion. Le gendarme de l’audiovisuel devrait rendre sa décision à partir du 29 mars.

Visuel de série « Maîtresse d’un homme marié ». © Facebook/Série TV – Maîtresse d’Un Homme Marié

Visuel de série « Maîtresse d’un homme marié ». © Facebook/Série TV – Maîtresse d’Un Homme Marié

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Publié le 28 mars 2019 Lecture : 4 minutes.

« Dépravation des mœurs », « comportements déviants », « promotion de l’obscénité »… La série « Maîtresse d’un homme marié », dont la première saison est actuellement diffusée par la 2sTV, a déclenché l’ire du Comité de défense des valeurs morales du Sénégal, qui a saisi le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), le 31 janvier dernier. La plainte – à laquelle s’est associée l’ONG islamique Jamra la semaine dernière – est actuellement étudiée par le gendarme de l’audiovisuel sénégalais, qui pourrait prononcer des sanctions allant de la simple amende à l’interdiction de diffusion.

« Histoires de femmes » ou « obscénité » ?

La série suit les aléas de la vie compliquée de Marème Dial, une jeune sénégalaise qui entretient une liaison avec un homme marié, campée par l’actrice Halima Gadji. La fiction se veut une chronique d’« histoires de femmes », racontée au plus près de la réalité du « vécu » de celles-ci, clame le groupe Marodi sur son site internet.

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Cette série fait la promotion de la pornographie verbale, de l’obscénité, de l’adultère et de la fornication

Une quête de proximité avec le réel qui, visiblement, n’est pas du goût des organisations de défense des valeurs morales. Mame Mactar Gueye, vice-président de Jamra, insiste sur le fait que les épisodes sont diffusés à 20h30 après le journal télévisé de la 2sTV, et seraient notamment regardés par des enfants.

« Les associations de consommateurs font attention aux denrées alimentaires pour ne pas que les clients mangent n’importe quoi. De la même manière, nous sommes vigilants à ce que l’on peut faire entrer dans le cerveau des enfants », explique-t-il pour justifier la plainte.

« Cette série fait la promotion de la pornographie verbale, de l’obscénité, de l’adultère et de la fornication, condamnés par la morale la plus élémentaire, mais aussi par les deux religions du Sénégal que sont l’islam et le christianisme », accuse Mame Mactar Gueye, qui déplore des fictions « copiées-collées sur les telenovelas sud-américaines, porteuses de perversité, qui font notamment allusion aux unions contre-nature de personnes de même sexe. »

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Reçus le 26 mars par le gendarme de l’audiovisuel, les plaignants ont exposé leurs inquiétudes. « Adama Mboup, le coordinateur du Comité de défense des valeurs morales, et Jamra ont mis le doigt sur des choses qui leurs semblent en désaccord avec les valeurs de la société sénégalaise », explique Babacar Diagne, président du CNRA.

Le CNRA veut « entendre toutes les parties prenantes »

Ce jeudi, c’est au tour des producteurs de la série de venir se défendre devant le CNRA. Il s’agit de « confronter les différentes remarques avec le visionnage de la série », détaille Babacar Diagne. Les producteurs de la série et les responsables de la 2sTV n’ont, pour l’heure, pas donné suite aux sollicitations de Jeune Afrique.

La censure n’est pas la meilleure solution pour se faire comprendre

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S’il donnait raison aux plaignants, le régulateur de l’audiovisuel pourrait imposer à 2sTV des sanctions allant de la simple amende à l’interdiction de diffuser la série. « Cela pourrait aboutir à une sanction pécuniaire, ou encore à une obligation de changer l’heure de diffusion », précise le président du CNRA, qui se montre cependant prudent sur la suite qui sera donné à la plainte. « Il pourrait aussi ne pas y avoir de sanction du tout. Avant d’envisager quoi que ce soit, il nous faut entendre toutes les parties prenantes. »

« Les questions de l’adultère ou de la sexualité interpellent notre société. Il faut en parler, d’autant que les éléments que les Sénégalais ne trouveront pas au sein de leurs propres productions se trouveront ailleurs », estime pour sa part Fatou Kiné Sène, présidente de l’Association sénégalaise de la critique cinématographique (ASCC). « Il faut des discussions constructives sur le sujet, mais il ne faut pas que cela soit un frein à la production cinématographique sénégalaise », plaide-t-elle, assurant que « la censure n’est pas la meilleure solution pour se faire comprendre ».

« Notre préoccupation ne concerne pas les adultes. Chacun est responsable de ses actes. Personne ne peut se faire le gendarme de la morale pour décider de ce qu’un adulte majeur et vacciné peut regarder ou non. Notre rôle est simplement d’empêcher que les enfants puissent être agressés jusque dans leur havre de paix et de sécurité familial », rétorque Mame Mactar Gueye, qui se défend de vouloir mettre des bâtons dans les roues de la production audiovisuelle sénégalaise, assurant avoir maintes fois plaidé auprès de l’État pour que les productions nationales bénéficient de d’avantage de subventions.

Le CNRA n’a pas fixé de date pour le rendu de sa décision sur le litige sur la série « Maîtresse d’un homme marié », qui pourrait intervenir à partir de ce vendredi 29 mars. L’instance de régulation doit également statuer sur deux autres saisines de la part du Comité de défense des valeurs morales, concernant des clips jugés « érotiques », dont un de l’artiste sénégalaise Queen Biz, interprète de Femme sauvage.

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