Dans la tête des faucons américains
Dans un article publié par le « Financial Times », Mark Mazower(*) reproche aux stratèges de la Maison Blanche de défendre systématiquement les intérêts d’Israël tels que définis par Ariel Sharon.
Si les faucons de l’entourage du secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld se félicitent du changement de régime en Irak, il ne s’agit pour eux que d’une simple étape. Leur objectif à long terme est autrement plus radical : mener à bien la plus importante opération de remodelage du Moyen-Orient entreprise depuis la Première Guerre mondiale. Aussi, une semaine seulement après le 11 septembre 2001, ne se contentaient-ils pas d’exhorter le président à capturer Oussama Ben Laden et Saddam Hussein ; ils conseillaient également de s’attaquer au Hezbollah, à la Syrie et à l’Iran. Leur credo était clair : une menace pour Israël est une menace pour les États-Unis. Dans la guerre contre le terrorisme, la stratégie de l’Amérique doit donc passer par la défense systématique des intérêts d’Israël – ou, plus précisément, des intérêts d’Israël tels qu’ils sont définis par l’équipe actuellement au pouvoir à Tel-Aviv.
La guerre avec la Syrie n’a finalement pas eu lieu, mais l’administration Bush a adopté un ton nettement plus agressif envers ce pays. Les États-Unis ont ainsi refusé de se joindre à la communauté internationale pour condamner les récents bombardements israéliens sur un camp abandonné dans la périphérie de Damas. Ce refus en dit long sur la vulnérabilité de la Syrie. Les troupes US sont désormais à deux pas, et les autorités syriennes sont régulièrement accusées par de hauts responsables américains de faciliter les attaques essuyées par les GI’s en Irak.
Au sein de l’administration Bush, tout le monde ne pense pas que cette nouvelle politique antisyrienne serve les intérêts américains. L’armée y est en grande partie défavorable. Quant à la CIA – qui s’appuie sur la coopération intensive des services secrets syriens pour traquer les groupes terroristes islamistes -, elle est consternée par cette attitude belliciste. Pour la plupart des connaisseurs de la Syrie, il est assez illusoire de penser qu’un changement de régime dans ce pays majoritairement sunnite déboucherait sur la mise en place d’un gouvernement plus coopératif que la dictature de la minorité alaouite.
Mais pour les faucons, tous ces principes de précaution ne sont que de lâches inepties. Dans leur vision du monde largement militarisée, seule la force peut conduire à la paix, car c’est le seul langage que les Arabes comprennent. Une guerre contre la Syrie – ou même seulement des menaces de guerre – permettra aux Israéliens de rétablir leur zone d’influence au Liban et de soumettre le Hezbollah. Avec une Syrie affaiblie, les Palestiniens seront plus dociles, le terrorisme palestinien n’étant pas une réponse à la tyrannie, à l’injustice et à l’occupation, mais l’oeuvre diabolique d’agents étrangers. En d’autres termes, pas de diplomatie tant que les Palestiniens ne seront pas réduits à l’obéissance par la force.
Le gouvernement d’Ariel Sharon poursuit désormais en toute impunité une stratégie qu’avait élaborée en son temps Richard Perle, un faucon américain, pour un précédent gouvernement du Likoud : se désengager du processus de paix parrainé par la communauté internationale, faire pression sur les États-Unis pour qu’ils retirent leur soutien financier à l’Autorité palestinienne et ne faire aucune concession diplomatique sur la question des terres. Sharon ne mentionne aujourd’hui la feuille de route que dans un objectif précis : étouffer dans l’oeuf des propositions de paix encore moins acceptables pour lui – comme celles en discussion à Genève. Son gouvernement jouit désormais d’une liberté sans précédent qui lui permet de combiner la philosophie militariste du Mur de fer de Vladimir Jabotinsky – pour qui la séparation et la puissance sont des préalables à la paix – avec les expropriations de terres et la construction de colonies caractéristiques des gouvernements travaillistes précédents. Alors que les colonies s’étendent et que le mur s’élève, les Arabes seront rejetés soit hors des Territoires occupés, soit derrière le mur dans un État-croupion très éloigné de l’État viable évoqué par Bush il y a seulement quelques mois.
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