Un livre-programme ?

À la veille de la présidentielle de 2006, Adrien Houngbédji publie « Il n’est de richesse que d’hommes ».

Publié le 24 octobre 2005 Lecture : 4 minutes.

Il est rare qu’un livre politique, écrit de surcroît par un homme politique, ne soit ni un réquisitoire ni un plaidoyer pro domo. Celui de l’avocat béninois Adrien Houngbédji, Il n’est de richesse que d’hommes, paru début septembre, à Paris, aux éditions L’Archipel, échappe à cet écueil. Sans parti pris, son auteur évoque le Bénin de la fin de la dictature militaire et de la renaissance à la démocratie dans les années 1990. Il décrit le Bénin d’aujourd’hui et esquisse à grands traits celui de demain. Il raconte aussi, non sans pudeur, son propre itinéraire d’enfant de la balle sur les traces d’un père agent des douanes. Celui qui mène de l’adolescence à l’entrée dans la vie professionnelle, du lycée Victor-Ballot de Porto-Novo à la faculté de droit de la capitale française et à l’École nationale de la magistrature (Bordeaux), de la lutte pour l’État de droit à l’engagement dans l’arène politique, tout en restant peu disert sur son expérience au sommet de l’État comme président de l’Assemblée nationale ou Premier ministre.
Tout au plus le chef de file du Parti du renouveau démocratique (PRD, créé en mars 1990) évoque-t-il en passant sa condamnation à mort par le régime marxiste de Mathieu Kérékou, le 5 mars 1975 – le jour de son trente-troisième anniversaire – et sa spectaculaire évasion le soir même. De même ne rappelle-t-il qu’en quelques lignes son rôle dans l’avènement de la Conférence nationale souveraine, en indiquant simplement en avoir été l’un des artisans. Même concision pour évoquer sa connaissance du pays profond : « J’ai sillonné le Bénin dans ses moindres recoins. Je me suis rendu d’un hameau à l’autre, d’un village à l’autre. J’ai rencontré des gens sur leur lieu de travail. J’ai partagé leur détresse mais également leur espérance. Tout cela a contribué à changer mon regard et à renouveler mes approches sur les êtres et les choses. »
Autant dire que l’ouvrage est écrit avec l’autorité de l’homme qui connaît son affaire, d’un grand témoin de la vie politique de son pays qui instruit à charge et à décharge pour retracer le chemin du processus démocratique, de ses balbutiements, de ses limites, de ses espoirs. À l’arrivée, après un an et demi de documentation – qui aura mobilisé certains de ses collaborateurs – et d’écriture, quelque deux cent quarante pages fouillées, agréablement écrites pour un ouvrage de cette nature, qui nourrissent déjà le débat à la veille de l’élection présidentielle de mars prochain.
Houngbédji ne cherchait pas autre chose, lui qui compte bien se porter candidat. Mais il se défend – sans véritablement convaincre, loin s’en faut, à en croire certains de ses adversaires politiques – d’en faire une sorte de bréviaire de campagne. Il présente l’ouvrage, vendu dans le pays à plus de 1 700 exemplaires en moins de trois semaines, comme une vision porteuse de ce qu’il appelle « une solution du possible ». C’est ce qu’il s’est attelé à expliquer aux étudiants, aux membres du Conseil du patronat, aux syndicats de son pays. Et n’entend pas s’arrêter là. Il souhaite en discuter avec le plus grand nombre de ses compatriotes qu’il invite, fort de sa propre expérience, à conforter l’État de droit. Car pour lui, « servir l’État ne signifie pas plier devant lui. Un fonctionnaire n’est pas un automate programmé pour obéir aux ordres, sans esprit de discernement, sans liberté d’initiative, sans responsabilité et sans créativité ». Il les exhorte à « réinventer l’État » en osant en réformer l’approche politique, économique et sociale – ce qui occupe des chapitres entiers du livre.
À 63 ans, l’avocat d’affaires – « pas homme d’affaires », aime-t-il à rappeler à l’impudent qui fait allusion à sa fortune supposée ou réelle – les encourage à ouvrir « les chantiers de l’avenir »… En fait, à s’impliquer davantage pour s’approprier leur propre pays. La tâche n’est pas simple, mais aucune piste n’est négligée. Et Il n’est de richesse que d’hommes en explore beaucoup. Trop peut-être. Du sport dont on le sait amateur pour être notamment un fervent supporteur des Dragons de l’Ouémé (le club vedette de football de Porto-Novo), au tourisme en passant par la politique de l’énergie ou la protection de l’environnement, Houngbédji prend le risque de faire perdre le fil au lecteur. À moins que ce ne soit celui d’accréditer davantage l’idée que son ouvrage n’est en fait que le projet de société qu’il va développer tout au long de la campagne électorale.
« Rien de tel, mais une vision, proteste-t-il. Je vais à la rencontre de mes concitoyens, discuter avec eux le contenu de mon livre. C’est leur réaction, leurs réflexions qui nourriront ma démarche politique. » C’est peut-être pour cette raison que Il n’est de richesse que d’hommes reste plus une vision qu’un programme.

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