Tunisie : quand le calendrier électoral s’adapte au Mouled

La date du premier tour de l’élection présidentielle a finalement été modifiée au 17 novembre par l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE). La date initiale coïncidait avec la fête du Mouled. Pour Anis Jarboui, membre du conseil de l’ISIE, l’argument retenu est d’ordre économique. Interview.

L’option favorite des candidats est de rassembler le parrainage de 10 000 électeurs (image d’illustration). © Hassene Dridi/AP/SIPA

L’option favorite des candidats est de rassembler le parrainage de 10 000 électeurs (image d’illustration). © Hassene Dridi/AP/SIPA

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Publié le 30 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

La fête du Mouled célébrant la naissance du Prophète Mohammed est un jour férie en Tunisie. La date précise de cette célébration n’est pas encore connue puisqu’elle dépendra -tout comme le Ramadan- de calculs liés à l’observation de la lune. Mais on sait déjà que cette année elle devrait tomber le 9 ou 10 novembre. Or, c’est cette dernière date qui avait initialement été retenue pour le premier tour du scrutin présidentiel. D’abord opposé à une modification du calendrier, le Conseil de l’ISIE, formé de neuf personnes, est finalement revenu sur sa décision vendredi 29 mars, après des protestations populaires. Anis Jarboui, membre du conseil depuis septembre 2017, a répondu aux questions de Jeune Afrique. 

Jeune Afrique : Le conseil de l’SIE a finalement décidé de modifier le calendrier électoral alors que la date de la présidentielle avait été formalisée et publiée dans le journal officiel (JORT) le 6 mars dernier.  La procédure est-elle conforme aux règles de droit ?

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Anis Jarboui : Il y a eu des discussions sur le fond et une résistance au sein du Conseil mais aujourd’hui le vote a été approuvé à l’unanimité. Nous allons publier une rectification du calendrier, ce qui est facile.

Nous avons respecté les délais constitutionnels qui imposaient des élections avant le 31 décembre et un premier tour de la présidentielle au plus tard le 1er décembre. Le deuxième tour devrait être organisé deux semaines plus tard, mais nous devrons attendre l’approbation du tribunal administratif qui étudiera d’éventuels recours après les premiers résultats pour la confirmer. Le vote final aura donc lieu au plus tard le 15 décembre.

Le 23 mars le président de l’ISIE, Nabil Baffoun, affirmait pourtant que la date initialement choisie était définitive. Pourquoi un tel revirement de situation ?

Nous avons fait face à des sit-in devant le siège de la branche locale de l’ISIE dans la région de Kairouan, où des manifestations ont également été organisées. De nombreux commerçants y attendent des retombées du tourisme à cette période. Pour eux, maintenir le calendrier initial aurait engendré des pertes énormes car c’est un événement annuel important.

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La société civile nous a également fait part de son mécontentement et certains appelaient même au boycott des élections. Nous avons pris notre temps pour étudier les contraintes logistiques et celles du ministère des Affaires étrangères chargé d’organiser le vote des Tunisiens résident à l’étranger qui voteront, eux, entre les 15 et 17 novembre.

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Ces pressions sont venues de l’Association du festival du Mouled à Kairouan mais aussi d’associations islamistes ou de sympathisants d’Ennahdah. Le Mouled est-il un argument valable dans un État laïque ? N’avez-vous pas cédé à un lobby religieux ?

C’est un argument valable car le Mouled est une fête pour tous les Tunisiens qu’ils soient islamistes ou non. C’est une évidence en Tunisie. Même des gens qui ne sont pas très pratiquants font la fête. Ça n’a rien à voir avec le religieux. C’est un geste envers une région, pas parti politique. Nous avons eu des réclamations de toute la société civile de Kairouan. Des gens y viennent de toute la Tunisie car sa mosquée Oqba Ibn Nafaa, y est un haut lieu de l’islam, c’est une tradition depuis des siècles.

Ça n’a rien à voir avec le religieux

Le jour du Mouled étant ferié, les Tunisiens n’auraient-il pas pu voter ?

Oui, ce jour là les Tunisiens peuvent voter, mais pour les habitants de Kairouan c’est une question de tourisme, ils craignaient des pertes énormes pour le commerce. La société civile de Kairouan s’est réjouie de cette modification et s’est engagée moralement à inciter les habitants à s’inscrire sur les listes électorales, en toute intégrité. Nous espérons désormais que Kairouan réalise l’un des taux de participation les plus important, du coté des nouveaux électeurs.

L’abstention est l’une des principales menaces qui pèsent sur les élections présidentielle et législatives à venir, convaincre les citoyens de s’inscrire est un enjeu : quels moyens mettez-vous en œuvre en ce sens ?

Au niveau national, nous avons 5,6 millions d’électeurs inscrits dans toute la Tunisie, sur un potentiel de 8,5 millions ayants droit, en âge de voter. Nous devons encore convaincre les 3 millions restants pour maximiser le nombre d’électeurs.

Nous allons renforcer les campagnes d’enregistrement à partir du 10 avril, avec un programme médiatique et logistique. Nous avons recruté pour cela 3000 agents dans toute la Tunisie qui seront sur le terrain durant 45 à 60 jours.

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