Boko Haram continue à terroriser l’Extrême-Nord du Cameroun

« Lorsque les premiers rayons de soleil apparaissent sans attaque nocturne, on dit Dieu merci », soupire un soldat posté à Zeleved, village de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun régulièrement attaqué par les jihadistes du Nigeria proche.

Des membres de la coalition régionale contre Boko Haram près de la ville de Fotokol, dans l’extrême nord du Cameroun, le 19 février 2015 (photo d’illustration). © Edwin Kindzeka Moki/AP/SIPA

Des membres de la coalition régionale contre Boko Haram près de la ville de Fotokol, dans l’extrême nord du Cameroun, le 19 février 2015 (photo d’illustration). © Edwin Kindzeka Moki/AP/SIPA

Publié le 31 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Depuis 2014, les combattants de Boko Haram sévissent dans cette région frontalière du Nigeria et les habitants de Zeleved, situé dans une zone enclavée perdue dans les montagnes, n’ont quasiment pas eu de répit.

Dans la nuit du 18 au 19 mars, trois habitants du village, dont une vieille femme de 80 ans, ainsi qu’un enfant, ont été tués, 107 maisons et de nombreux biens incendiées, au cours de l’une de ces attaques.

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La vieille dame est morte brûlée dans sa case où elle s’était cachée pour éviter les balles des assaillants. Autour, on voit des restes calcinés d’un moulin à moudre le maïs et d’une moto.

Non loin, des cendres, des maisons sans toit, des jarres d’eau brisées ou noircies par les flammes, des restes de nourriture brûlés.

Cette nuit-là, trois militaires en faction sous un hangar de fortune installé au pied d’une montagne pour assurer la sécurité du secteur du village ciblé ont fui à l’arrivée des combattants jihadistes, selon des villageois.

Les assaillants « étaient très nombreux, environ 200 », rapporte Sali Hamad, chef du comité d’auto-défense dont la maison a été incendiée.

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« Zone rouge »

Moins d’une semaine après, Zeleved, peuplé majoritairement de chrétiens, a été une nouvelle fois la cible, dans la nuit du 24 au 25 mars, d’un assaut de Boko Haram: une personne a été blessée par balle, deux salles de classe et six habitations brûlées.

Le village de Zeleved fait partie de la « zone rouge » constituée de localités frontalières ou proches de la frontière, considérée comme dangereuse du fait des incursions de Boko Haram.

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Longue de plus de 250 km, cette zone s’étale sur trois des six départements de l’Extrême-Nord. Plusieurs localités y ont été des épicentres du conflit armé entre soldats camerounais et combattants jihadistes.

Si cette guerre déclenchée en 2014 est presque terminée, Boko Haram « conserve toute sa capacité de nuisance », concède sous couvert d’anonymat un responsable sécuritaire.

Le groupe « privilégie depuis des mois des attaques de nuit. Il brûle des maisons, égorge ou tue à l’arme blanche, pose des mines, vole du bétail et du mil », affirme-t-il.

Depuis le début de l’année, 52 personnes ont été tuées dans la région dans diverses attaques côté camerounais.

« Boko Haram est présent de l’autre côté de la frontière. Dès que la vigilance baisse de notre côté, ils font des incursions pour s’en prendre aux populations », reconnait un responsable régional ayant requis l’anonymat. « Tant que Boko Haram ne sera pas rasé au Nigeria, nous continuerons de le subir », estime-t-il.

Conjurer le mal

À Zeleved, l’un des rares villages frontaliers encore peuplés, on aperçoit au loin la montagne nigériane de Goldalinig, présentée comme l’un des fiefs de Boko Haram.

Arme accrochée à l’épaule, un soldat boit du « bil-bil », boisson alcoolisée à base de mil et de maïs. « En journée, on est en joie, mais une fois la nuit tombée, on est en poste, c’est l’inquiétude », explique-t-il, affirmant que les jihadistes sont à moins d’un km de là.

Le soldat participe avec un de ses collègues à une « fête du sacrifice » organisée par les villageois pour conjurer le mal.

Pour cette fête, « un chef traditionnel a préparé du vin. Il a invité les patriarches et ses populations à le boire, mais aussi et surtout à prier en communauté afin que le mal disparaisse », explique un habitant.

Installées sous des arbres, certains boivent, d’autres chantent ou dansent.

« Ils viennent nous égorger parce que nous sommes devenus des coqs, des moutons, mais les Dieux sont là. Ils vont nous protéger », affirme une des danseuses, Doldor Kida.

« Dire qu’il y a insécurité c’est peu dire. Notre vie est constamment en danger depuis 2014 et c’est insupportable », renchérit Sali Hamad.

Avant la fin de l’après-midi, tous les habitants du village vont aller en montagne avec leur bétail pour y passer la nuit, par crainte d’une nouvelle attaque. Il n’en redescendront qu’au lever du jour.

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