Stock-options en… or noir

Le « French Tycoon » s’apprête à revendre aux Chinois la société pétrolière qu’il a redressée. Et devrait empocher au passage plus de 220 millions de dollars !

Publié le 24 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

A 63 ans, Bernard Isautier est aujourd’hui le superhéros de l’industrie pétrolière canadienne. Une success story comme l’Amérique en raffole. Dans la province d’Alberta, et plus précisément à Calgary, où se trouve le siège de l’entreprise à la tête de laquelle il a fait fortune, l’homme d’affaires français est devenu une véritable star. À tel point que Robert Plexman, un analyste de la banque canadienne CIBC World Markets, déclarait récemment : « Ce que Bernard a fait ici, on devrait le faire étudier dans toutes les écoles de commerce. »
Mais qu’a donc fait « Bernard » ? Tout simplement transformer l’ex-compagnie pétrolière locale, Hurricane Hydrocarbons, spécialisée dans l’extraction d’hydrocarbures au Kazakhstan, au bord de la faillite en 1999, en une société qui a réalisé l’an dernier 500 millions de dollars de bénéfices. Rebaptisée PetroKazakhstan en 2003, cette petite affaire fonctionne si bien que son patron est en passe de la revendre à la China National Petroleum Corporation (CNPC), l’une des deux plus grandes compagnies pétrolières chinoises, pour la coquette somme de 4,18 milliards de dollars. Signé entre les deux firmes le 22 août, l’accord de principe a été entériné par les actionnaires de PetroKaz le 18 octobre.
Au passage, Isautier devrait en profiter pour enrichir sa cassette personnelle, au demeurant déjà fort bien pourvue. Après avoir empoché l’an dernier 65 millions de dollars en vendant une partie des actions qu’il possédait dans l’entreprise, le French Tycoon, qui détient toujours 5,4 % du capital de PetroKaz, pourrait en effet toucher plus de 220 millions de dollars !
Le coup de maître de celui qui est désormais considéré comme l’un des grands barons de l’or noir au Canada est d’avoir senti, avant la concurrence, l’enjeu représenté par le pétrole du Kazakhstan. Cette ancienne république soviétique dispose aujourd’hui des plus importants champs pétroliers onshore et offshore d’Asie centrale. La Chine l’a bien compris, qui construit actuellement un oléoduc de près de 1 000 km pour relier son territoire à ce nouvel eldorado pétrolier.
En 1999, quand une poignée d’actionnaires de Hurricane Hydrocarbons vient le chercher pour sauver les meubles, Isautier ne se fait donc pas prier. Il rembourse aux obligataires de l’entreprise qui voulaient la liquider les sommes qu’ils réclament. L’homme sait où il va. Il le sait si bien d’ailleurs qu’il accepte de prendre ses fonctions sans toucher de salaire. Mais n’oublie pas de se faire octroyer 1 million de stock-options, dont la valeur nominale, à l’époque, ne dépasse pas 0,65 dollar…
Dès son arrivée, Isautier s’emploie à résoudre un problème qui lui saute aux yeux : le coût astronomique du raffinage, effectué dans une structure indépendante située à 1 300 km par la route des champs d’extraction de Hurricane Hydrocarbons. Il négocie donc une fusion avec la raffinerie, puis fait construire un oléoduc de 177 km de long, inauguré en juin 2003. Le nouvel ensemble se met alors à produire et à traiter quelque 150 000 barils de brut par jour et devient rentable. Très rentable même : en 2005, la flambée des cours de l’or noir incite PetroKaz à augmenter sa production de 4,8 % par rapport à l’an dernier, ce qui lui a permis d’augmenter son bénéfice net de 89 % au premier trimestre… Et, accessoirement, d’obliger la Chine à poser sur la table une somme considérable pour s’offrir le petit bijou des steppes kazakhes et ses réserves, estimées à 500 millions de barils.
Si la réussite d’Isautier est évidemment liée à une bonne conjoncture sur les marchés pétroliers, force est aussi de constater qu’il a su mettre à profit sa connaissance pointue de l’industrie pétrolière, un monde dans lequel il évolue depuis près de trente ans. Après un début de carrière au sein de l’administration française, ce diplômé de Polytechnique devient président d’Elf Aquitaine Tunisie en 1976, avant de rejoindre, deux ans plus tard, la branche canadienne du même groupe, alors public. Dès lors, il ne quitte plus l’univers pétrolier nord-américain, à l’exception d’une aventure de deux années à la tête de Thomson grand public (aujourd’hui Thomson multimédia), entre 1990 et 1992.
Dans les semaines qui viennent, après avoir passé le relais aux Chinois à la tête de PetroKaz, Isautier pourrait prendre la direction d’une nouvelle société spécialisée dans la prospection pétrolière en Asie centrale dont la CNPC envisage la création. À moins que l’homme, qui a grandi à la Réunion, ne décide d’opérer une sorte de retour aux sources et de se consacrer à la gestion de l’hôtel qu’il possède sur une île du Pacifique, quelque part entre Tahiti et Bora-Bora…

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