Ramadan à vendre

De Dubaï à Beyrouth, le mois sacré des musulmans donne lieu à une frénésie de consommation.

Publié le 24 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

En ce début du mois d’octobre, les rues de Dubaï, de Beyrouth ou du Caire sont pavoisées et les magasins bondés. Il règne une atmosphère de vacances. Le mois de ramadan version 2005 ne ressemble à aucun de ceux qui l’ont précédé. Autrefois, c’était un moment d’ascèse exclusivement consacré au jeûne et à la prière. Mais le recueillement cède peu à peu la place à la consommation. À l’instar de Noël ou de Hanoukka, le ramadan prend des allures de fête autant commerciale que religieuse. Pour les publicitaires, c’est un peu comme un week-end de Super Bowl aux États-Unis. À ceci près que les festivités durent vingt-huit jours. Les chaînes de télévision diffusent leurs meilleurs programmes, et certaines marques engloutissent en un mois la moitié de leur budget.
À Dubaï, le mercantilisme s’épanouit sans entrave. Dans un journal local, une publicité pour Mercedes joue sur le thème du croissant, symbole musulman s’il en est : « Commencez le ramadan par une visite de l’entreprise Gargash, et vous atteindrez bientôt la lune », lit-on. Les supermalls, ces gigantesques centres commerciaux à l’américaine, restent ouverts une partie de la nuit. À l’extérieur de l’un d’entre eux, un immense panneau annonce la couleur : « Ramadan sacré : gagnez 1 million de dirhams et faites vos courses jusqu’à 1 heure du matin. » Cette exaltation consumériste est loin de faire l’unanimité : « La foi est utilisée comme un argument de vente, ce n’est pas normal », déplore Mohammed el-Kuwaiz, un consultant saoudien en management installé à Dubaï.
Même frénésie à Beyrouth, où les croyants suspendent des lumières colorées sur lesquelles figure la mention « Ramadan sacré », voire des bénédictions de circonstance, et au Caire, où des entreprises et des candidats en campagne pour les législatives du mois prochain distribuent les traditionnelles lanternes estampillées de leur logo ou de leur nom. Naglaa Abdel Fattah (30 ans), une secrétaire cairote, ne décolère pas : « C’est incroyable, j’appelle mon amie et tout ce dont elle me parle, c’est des dix plats que sa famille prépare pour le ftour [repas de rupture du jeûne]. Où est la spiritualité dans tout ça ? Je ne sens plus l’esprit du ramadan, ça me rend folle. » Le deuxième jour du jeûne, le mufti de Dubaï a exhorté ses fidèles à prendre le mois sacré un peu plus au sérieux. « Ce qui ce produit en ce moment, cette commercialisation, c’est le résultat d’une ignorance des musulmans, explique-t-il. Ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire pour purifier leur âme. Dieu a pourtant instauré ce mois pour les sauver. » De son propre aveu, la bataille n’est pas gagnée d’avance…

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