[Analyse] Sommet de Tunis : le sursaut du monde arabe n’était pas à l’ordre du jour
Le rideau est tombé sur le 30e congrès de la Ligue des États arabes, organisé les 30 et 31 mars à Tunis. Un événement qui ne marquera pas les esprits, faute de décisions fortes.
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Frida Dahmani
Frida Dahmani est correspondante en Tunisie de Jeune Afrique.
Publié le 1 avril 2019 Lecture : 3 minutes.
Tout sourire, les dirigeants arabes ont pris la pose pour la photo officielle. Elle ne masquera pas les divisions qui ont empêché le sommet de Tunis de s’inscrire dans une prise de position historique. Ce « sommet de la volonté et de la solidarité », qui devait remettre en selle une Ligue arabe en quête de réformes, a pris des allures d’occasion manquée, pour devenir finalement un non-événement.
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Marqué par la présence du roi Salman d’Arabie saoudite, qui a doublé son déplacement d’une visite officielle en Tunisie, la rencontre a mis en évidence l’influence de l’axe Riyad – Émirats et son différend avec le Qatar. À tel point que l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, a quitté brusquement le sommet – sans prendre la parole – après les propos du secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, qui dénonçait l’ingérence de l’Iran et de la Turquie. Un incident sans conséquence sur les recommandations finales, mais qui a marqué les esprits et occulté la présence des autres chefs d’État – dont celle notamment du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, arrivé à la dernière minute.
Aucune mesure concrète
Comme attendu, la Ligue arabe a dénoncé l’assentiment du président américain Donald Trump à l’annexion du plateau du Golan par Israël. Elle a également réaffirmé la souveraineté du Liban sur les « territoires occupés » au sud par Israël, réitérant que la cause palestinienne est une « priorité » pour le monde arabe, et demandé l’application au Moyen-Orient du principe de « terre contre paix ».
La Syrie et le Yémen ont été à peine évoqués et très vite éludés, montrant combien l’Arabie saoudite est le maître du jeu dans la région
La déclaration de Tunis a donc formellement rejeté les ingérences étrangères dans les affaires arabes, insisté sur une résolution de crise rapide en Syrie et en Libye, condamné les « violations du territoire saoudien » par les Houthis, appelé à la stabilité du Liban et affirmé le soutien au développement de la Somalie.
Le conclave de Tunis, qui se voulait rassembleur, n’a pris aucune mesure concrète, mais mis en exergue la faiblesse du monde arabe et l’incapacité des dirigeants à adopter une ligne commune. La question palestinienne a certes été largement mise au cœur des débats, mais les recommandations sont restées politiquement correctes et sans grande fermeté. La réintégration de la Syrie au sein de la Ligue, dont elle est un membre fondateur, n’a pas fait l’objet d’un consensus, tout comme le conflit et la crise humanitaire au Yémen. Des problèmes à peine évoqués et très vite éludés, qui montrent combien l’Arabie saoudite est le maître du jeu dans la région.
Pas de consensus sur la sécurité
Les pays arabes auraient pourtant pu se retrouver sur plusieurs points, dont la sécurité et la menace terroriste, mais le congrès est resté sourd aux appels d’Ahmed Aboul Gheit, qui soulignait « un besoin pressant de mettre en place une définition globale de la sécurité nationale arabe, objet d’un consensus de toutes les parties, et de travailler dans ce nouveau cadre conceptuel ».
Le sursaut du monde arabe n’est donc pas encore à l’ordre du jour. Entre vielles querelles, divisions et rivalités, les pays arabes, qui peinent à prendre des décisions communes et tranchées, se laissent happer par une spirale infernale. Entre conflits, crises humanitaires, terrorisme et panne de développement, ils se délitent sous le regard de leurs dirigeants. « Les peuples arabes sont désespérés de leurs gouvernants », constatait récemment Mongi Hamdi, ancien ministre tunisien des Affaires étrangères. Un diagnostic malheureusement confirmé par ce congrès.
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