Pa Kin

L’écrivain chinois est décédé le 17 octobre à Shanghai.

Publié le 24 octobre 2005 Lecture : 4 minutes.

Selon l’interprétation la plus répandue, il avait marié les noms des deux grands théoriciens russes de l’anarchisme pour créer son propre pseudonyme : Bakounine et Kropotkine, dont il avait tiré Ba Jin, en français : Pa Kin. En cent années d’une longue vie de militant rebelle et libertaire, implacable témoin de la douloureuse histoire de son pays, Pa Kin a accompli une carrière littéraire qui lui a valu de nombreuses récompenses, à l’exception d’un prix Nobel souvent espéré, mais jamais obtenu.
Selon l’interprétation la plus répandue, il avait marié les noms des deux grands théoriciens russes de l’anarchisme pour créer son propre pseudonyme : Bakounine et Kropotkine, dont il avait tiré Ba Jin, en français : Pa Kin. En cent années d’une longue vie de militant rebelle et libertaire, implacable témoin de la douloureuse histoire de son pays, Pa Kin a accompli une carrière littéraire qui lui a valu de nombreuses récompenses, à l’exception d’un prix Nobel souvent espéré, mais jamais obtenu.
Il est mort le 17 octobre, dans l’hôpital de Shanghai où il venait de passer de longues années de vie végétative, outré jusqu’à son dernier souffle qu’on lui ait refusé le recours à l’euthanasie. Désormais, ses oeuvres s’arrachent dans les librairies chinoises. Ses lecteurs n’ont pas voulu le laisser partir sans garder au moins un souvenir de lui. D’autres se sont contentés de se ruer dans les bibliothèques pour le relire. Dans les cercles proches du pouvoir, on l’a célébré comme un symbole de « l’écrivain du peuple », un titre qui lui avait été attribué officiellement en 2003 par le gouvernement chinois.

De son véritable nom Li Yaotang – et non Feigan, surnom attribué lors de la publication de son premier roman (les lettrés traditionnels chinois se donnent toujours un surnom pour montrer leur particularité) -, il est né le 25 novembre 1904 à Chengdu, capitale de la province du Sichuan, dans une grande famille de mandarins aisés. Trois générations, soit plus de cent personnes, y compris les serviteurs, vivaient alors sous le même toit. Sensible aux tourments de son époque, le jeune Pa Kin ne tarde pas à s’évader d’un cocon aussi enveloppant : en 1927, il s’embarque sur un cargo, destination la France, terre de la liberté, de Victor Hugo et de Jean-Jacques Rousseau. À Paris, où il loge dans un petit hôtel du Quartier latin, il est vite fasciné par la théorie de l’anarchisme. Six mois plus tard, à Château-Thierry (Paris est décidément une ville trop chère pour sa maigre bourse), il écrit son premier roman, La Destruction, qui inaugure son nouveau pseudonyme, aussitôt célèbre. Le jeune écrivain n’hésite pas, alors, à se jeter dans le combat politique avec tout le poids que lui donne sa nouvelle renommée, en luttant notamment pour la grâce de Sacco et Vanzetti, deux anarchistes italiens condamnés à mort aux États-Unis pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.

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De retour à Shanghai à la fin de 1928, Pa Kin ne cesse plus d’écrire. Il publie toute une série de romans entre les années 1920 et 1940, parmi lesquels on trouve sa célèbre trilogie intitulée Torrent et qui comprend : Famille, Printemps et Automne, un hymne à la liberté et à l’amour auquel chacun peut donner le sens qui lui convient en propre, fût-ce en allant rejoindre les rangs des Gardes rouges !
Dans un premier temps, les communistes ne manquent pas de créditer Pa Kin de l’influence qu’il exerce sur la « jeunesse chinoise de gauche », même après leur arrivée au pouvoir en 1949. C’est avec la Révolution culturelle que les choses se gâtent, et pas seulement pour lui…
Cette période est la plus douloureuse que Pa Kin ait eu à traverser : il est notamment harcelé par les Gardes rouges pour qu’il fasse l’autocritique de son passé anarchiste. Dans le même temps, sa femme se meurt d’un cancer, laissée volontairement sans soins pour punir son « intellectuel capitaliste » de mari…

La chute de la bande des Quatre, groupe de dirigeants dont faisait partie la veuve de Mao Zedong, signifie la fin officielle de la Révolution culturelle. Pa Kin est « libéré » et « rétabli », mais le souvenir des années noires qui viennent de s’écouler ne s’effacera jamais de sa mémoire. Plus tard, la France, en la personne du président François Mitterrand, lui rend hommage en lui décernant la Légion d’honneur. En revanche, en Chine, son grand projet de « musée de la Révolution culturelle » n’a jamais réussi à sortir des cartons : le gouvernement traîne les pieds à l’idée de créer une institution qui risque de raviver de trop mauvais souvenirs. Ce sont peut-être les « fans » de Pa Kin, de plus en plus nombreux, qui réaliseront un jour le projet du grand écrivain. Afin que celui-ci ne laisse pas derrière lui, comme seule trace, les 13 millions de caractères chinois que représente son oeuvre, qui méritent bien, à eux seuls, un logis.

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