[Chronique] Sénégal : l’hippopotame de la discorde
Un chasseur pourrait être condamné pour avoir abattu, au Sénégal, un hippopotame protégé. Mais l’animal ne constituait-il pas une menace ? La responsabilité de l’abattage n’est-elle pas politique ? Les questions sont soulevées…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 2 avril 2019 Lecture : 2 minutes.
Levée de boucliers, dans la région sénégalaise de Kédougou, après la mise à mort « youtubée » d’un hippopotame dans le chef-lieu régional de l’extrême sud-est du pays. Rapidement après les faits, sur les antennes de iRadio, l’ancien ministre de l’Environnement Haïdar el Ali rappelle que le « cheval de rivière » abattu fait partie des espèces « intégralement protégées ». Il explique que ces animaux « transportent les pains des arbres » et disséminent « les graines » pour le plus grand bien de l’écosystème.
La polémique soulève deux questions : celle de la présumée nécessité de l’abattage et celle du niveau de responsabilité.
Sur le premier point, sans surprise, l’indignation semble d’autant plus forte qu’elle est éloignée de la ville de Kédougou. Pour le Kédevain visité par l’hippopotame comme pour le Pyrénéen confronté à la réintroduction de l’ours, la liberté de l’animal trapu s’arrête là où commence celle des villageois. De ce point de vue, la vidéo virale, si elle choque par les giclées de sang, montre également la crainte perceptible d’habitants fuyant, dans les ruelles, le mammifère échappé de la mare de Dalaba.
Légitime défense ?
Le commandant Moussa Ndour, responsable de la Zone d’intérêt cynégétiques (ZIC) de la Falémé et chef de la faune de Kédougou, confirme que l’animal devait être « neutralisé ». Si le colosse a perdu la vie lors de son immobilisation, ce serait uniquement à cause du manque de moyens neutralisants des services de gestion de la faune. Sous cet angle, la polémique pourrait être éteinte par l’évocation d’une sorte de légitime défense ponctuelle.
La deuxième question à laquelle ne répond pas le commandant Ndour est celle du commanditaire de la mise à mort. L’exécutant est connu : le chasseur François Uart, directeur du campement le Relais, qui a neutralisé l’amphibien de 5 balles de calibre 375 dans la tête. Selon le code de la protection de la faune, le bourreau ou héros – c’est selon – est passible d’une peine de 1 à 5 ans d’emprisonnement, pour avoir agi sans permis scientifique. L’avocat maître Bamba Cissé réclame une enquête pour situer d’éventuelles responsabilités politiques…
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