Gabon : nouvelles coupes budgétaires dans la fonction publique

Taxes et réduction du nombre de fonctionnaires : le gouvernement gabonais a annoncé la semaine dernière de nouvelles mesures pour maîtriser la forte masse salariale de la fonction publique qu’il tente d’« assainir » depuis plusieurs mois.

Guichet de réception des affiliés à la sécurité sociale gabonaise, à Libreville. © Jacques Torregano pour JA

Guichet de réception des affiliés à la sécurité sociale gabonaise, à Libreville. © Jacques Torregano pour JA

Publié le 3 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

Alors que de fortes réductions de la masse salariale publique gabonaise, prévues dans le plan de relance économique (PRE) 2017-2019, ont été détaillées depuis fin juin 2018 par la présidence et le gouvernement, les agents publics gabonais doivent s’attendre à des nouvelles coupes et réductions de salaires.

Le 29 mars, en Conseil des ministres, un projet de loi qui attend son passage devant le Parlement annonçait un « prélèvement obligatoire » progressif à hauteur de 5 % à 15 % du salaire, pour les fonctionnaires gagnant 6 500 francs CFA (9,90 euros) par mois ou plus.

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15 000 agents « non permanents » en moins

Autre disposition dont les membres du gouvernement ont « pris acte » : la réduction de 50 % de la main d’œuvre non permanente (MONP). Cette catégorie d’agents publics, estimée à 30 000 personnes, coûte en moyenne 32 milliards de F CFA par an à l’État, a indiqué à la presse, le 1er avril, le ministre du Budget, Jean-Fidèle Otandault.

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Certaines des mesures de cet immense plan d’économies ont déjà été appliquées, comme la diminution du nombre d’emplois à la Présidence et dans les ministères. L’État dit aussi avoir repéré environ 6 500 « fonctionnaires fantômes » depuis la mise sous bons de caisse des agents publics de la province de l’Estuaire à partir de juillet. Dans la même lignée, un « recensement biométrique » des agents publics a été envisagé dans le dernier conseil des ministres.

Comme de nombreux pays de la zone Afrique centrale sous programme du Fonds monétaire international (FMI) suite à la chute de leurs recettes pétrolières, le Gabon ambitionne de maîtriser ses dépenses publiques et de réduire ses dettes.

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59 % des recettes publiques attribuées au paiement des fonctionnaires

Selon la loi de finances rectificative 2018, l’État avait déjà réussi à baisser de 70 milliards de F CFA la masse salariale, expliquait le ministre Jean-Fidèle Otandault en juin à Jeune Afrique. De plus de 700 milliards de F CFA par an, la masse salariale doit passer à 400 milliards de F CFA par an, d’ici trois ans, détaillait en juillet Emmanuel Issoze-Ngondet, alors Premier ministre.

Les plus de 100 000 fonctionnaires gabonais – pour une population de près de 2 millions d’habitants – absorbent « 59 % des recettes publiques, alors qu’une directive de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) fixe ce pourcentage à 35 % », ajoutait l’ancien Premier ministre.

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Dans ce pays pétrolier, le fonctionnariat a longtemps été vu comme un graal. Aujourd’hui, la donne doit changer, estime Alain Bâ Oumar, président de la Confédération patronale gabonaise (CPG) : l’État doit s’inspirer du privé car « la clef n’est pas le nombre de fonctionnaires mais la recherche de l’efficacité », confie-t-il à Jeune Afrique. Il juge les dispositions gouvernementales « positives », d’autant plus qu’elles devraient permettre de rembourser la dette intérieure, chiffrée à 310 milliards de F CFA.

Le président de Dynamique unitaire dénonce « une mascarade »

La vision libérale de la CPG est loin d’être partagée par les partenaires sociaux. « Nous allons mener des actions d’envergure car nous n’accepterons jamais que le gouvernement maintienne sa position », menace Jean-Rémy Yama, président de Dynamique unitaire (DU), une coalition syndicale à la tête de la majeure partie des mouvements de grèves et de protestation dans le pays. Depuis juin, les agents publics n’ont pas toujours répondu à l’appel de DU.

Beaucoup d’agents publics rencontrés par Jeune Afrique partagent cependant l’avis du syndicaliste, qui assure qu’« aujourd’hui un fonctionnaire gabonais vit très mal : souvent il n’a pas d’épargne, il loue son logement et il vit au jour le jour ».

M. Yama parle plus généralement d’une « mascarade », prenant l’exemple d’un « gouvernement pléthorique avec 38 ministres » et de « postes qui devraient être supprimés dans les ministères, mais qui ne le sont pas ». Le syndicaliste demande toujours la liste des « fonctionnaires fantômes » et pense que « certains responsables administratifs ont refusé de signer les bons de caisse de certains agents syndicalistes ».

Mesures d’austérité généralisées

Des fonctionnaires vivent également avec des pré-salaires, rappelle le leader syndical. Une situation que le gouvernement a promis de régler lors du dernier conseil des ministres. Enfin, M. Yama dit craindre pour le devenir des 15  000 fonctionnaires qui devront quitter MONP dans des conditions qu’il ignore, dans un pays sans allocation chômage.

Les coupes dans la fonction publique gabonaise s’ajoutent à une série de taxes et de suppression d’aides enclenchée depuis deux ans. Ainsi, après l’augmentation de leurs frais universitaires, les étudiants doivent désormais s’attendre à une révision des bourses.

Le FMI estime cependant que « les perspectives à moyen terme restent prometteuses » au Gabon, avec une croissance du PIB à 3,1 % en 2019 et une inflation qui devrait passer de 4 % en 2018 à 3 % ou moins en 2019 et pour les années suivantes.

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