Démission de Bouteflika : entre réactions occidentales et silence arabe

Depuis la démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika, dans la soirée du 2 avril, les réactions à l’international se font attendre. Si la France, les États-Unis et la Russie se sont empressés de réagir, les pays arabes affichent, eux, une grande discrétion.

Manifestation contre un cinquième mandat du président algérien Abdelaziz Bouteflika, dimanche 24 février à Paris. © Augustin LE GALL/HAYTHAM-REA

Manifestation contre un cinquième mandat du président algérien Abdelaziz Bouteflika, dimanche 24 février à Paris. © Augustin LE GALL/HAYTHAM-REA

Arianna Poletti Wided

Publié le 4 avril 2019 Lecture : 5 minutes.

Des manifestants contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, vendredi 1er mars à Alger. © Anis Belghoul/AP/SIPA
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Démission de Bouteflika : les six semaines qui ont ébranlé l’Algérie

Confronté à une mobilisation populaire d’une ampleur sans précédent, Abdelaziz Bouteflika a annoncé mardi 2 avril sa démission de la présidence de la République. Retour sur ces six semaines qui ont ébranlé l’Algérie et mis un terme à un régime en place depuis vingt ans.

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La démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika est sous le feu des projecteurs du monde entier, faisant la Une de nombreux médias. Les réactions officielles, pourtant, sont disparates. Si les États-Unis, la France, la Russie ou encore le secrétariat général des Nations unies ont rapidement exprimé leur soutien au processus démocratique en Algérie, du côté des pays arabes ou voisins, les déclarations officielles se font plus rares.

Dès la décision du Conseil constitutionnel algérien, entérinant la démission du président Bouteflika, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a ainsi souhaité le 3 avril « une transition pacifique et démocratique ». Celle-ci devrait refléter selon lui les aspirations du peuple algérien, saluant également « le calme et le respect dont fait preuve le peuple dans l’expression de son désir de changement ».

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Autres réactions des Occidentaux : celles de la France, des États-Unis et de la Russie. « Nous sommes confiants dans la capacité de tous les Algériens à poursuivre cette transition démocratique dans ce même esprit de calme et de responsabilité », a souligné le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, dans un communiqué publié le 2 avril.

À Washington, une heure seulement après l’annonce de la démission de Bouteflika, le porte-parole de la diplomatie américaine, Robert Palladino, a déclaré qu’il « revient aux Algériens de décider comment gérer cette transition en Algérie ».

Du coté russe, le Kremlin a espéré que cette transition « n’aura aucun impact sur les relations amicales bilatérales » avec son allié historique. Il a par ailleurs appelé à une transition sans ingérence de pays tiers. « Nous espérons que, quoi qu’il arrive, les processus internes qui se déroulent dans ce pays et qui relèvent exclusivement des affaires intérieures de l’Algérie se dérouleront sans ingérence de pays tiers », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

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Les réactions timides des pays arabes

Alors que le 30e sommet arabe s’est clos le 31 mars à Tunis, les diplomaties arabes n’ont émis aucune déclaration officielle depuis l’annonce de la démission, malgré les réactions plutôt mitigées de certains chefs d’État lors des soulèvements.

Interrogé par le quotidien Al-Quds Al-Arabi ce 4 avril, le président tunisien Béji Caïd Essebsi est le seul à avoir commenté l’actualité algérienne. « Ce peuple est pleinement conscient des risques de conflits, et je crois qu’il peut surmonter cette épreuve, parce qu’il a déjà vécu des situations similaires dans le passé », a-t-il déclaré en référence à la mort du président Houari Boumediene en 1978. Malgré « les craintes de troubles dans le pays, (…) les choses s’étaient bien passées. Les Algériens ont trouvé une solution en ramenant le président de l’Assemblée nationale pour assurer l’intérim pendant 45 jours, avant de faire appel au président Chadli Bendjedid », a-t-il souligné.

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Côté égyptien, à l’occasion d’une cérémonie à la mémoire des « martyrs de guerre », le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a accusé les mouvements de contestation de plusieurs États de la région de mener « ces pays » à leur perte, sans citer les noms des pays en question. « Actuellement, dans des États de notre région, les gens parlent de la situation économique et des conditions de vie difficiles. Ils ne font ainsi que gâcher leur pays et le conduisent à sa perte », a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée. Le président issu d’un coup d’État militaire en 2013 n’a, depuis, émis aucune autre déclaration.

Dans la presse égyptienne, proche du pouvoir, la démission de Bouteflika reste ainsi relativement peu évoquée. Aucune référence n’a par exemple été faite au sujet des manifestations qui bouleversent le pays depuis le vendredi 22 février. Le quotidien Al Nahar s’est limité à publier le 2 avril la réaction de la France suite à la démission.

>>> À LIRE – Démission de Bouteflika : « C’est un coup d’État sous une forme particulière »

À Rabat, la diplomatie marocaine demeure discrète et n’a souhaité émettre aucune réaction quant aux soulèvements qui bouleversent l’Algérie, pays avec lequel des tensions persistent sur la question du Sahara occidental. Les journaux locaux n’ont pourtant pas manqué de commenter l’actualité.

Au lendemain de la démission, le site Le360 s’est par exemple interrogé sur « comment Saïd Bouteflika essaie de sauver sa peau en exhibant son frère malade ». Le magazine TelQuel a, lui, centré son traitement sur la nationalité marocaine présumée d’Abdelkader Bensalah, chargé par la Constitution d’assurer l’intérim.

Quant aux principales stations panarabes comme la chaîne qatarie Al Jazeera et la saoudienne Al-Arabiya, elles se sont limitées à relayer l’information de la démission. « La couverture des manifestations de 2011 était plus riche que celle de l’Algérie et du Soudan », selon une étude de Marc Lynch du Carnegie Middle East Center. « Depuis le début des manifestations, seulement 7 % des tweets d’Al Jazeera concernent l’Algérie », a-t-il calculé. Si les deux chaînes ont rapporté la nouvelle de la démission du président algérien, dans le Golfe la contestation algérienne « est vue comme un problème de républiques arabes, et non de monarchies », a-t-il souligné.

Quelques déclarations en Afrique subsaharienne

En Afrique subsaharienne, cette démission a également fait réagir certains. L’opposant guinéen Cellou Dalein Diallo a notamment demandé aux forces de défense et de sécurité de son pays de « s’inspirer du rôle joué par l’armée algérienne » après l’annonce de la démission du président Abdelaziz Bouteflika, dans le but « de s’opposer avec (eux) contre le coup d’État constitutionnel qu’Alpha Condé veut perpétrer en Guinée », a-t-il déclaré, en référence au 3e mandat que souhaite briguer le président guinéen.

De son coté, Mohamed Doumi, Burkinabè-Algérien expulsé de l’Algérie et ex-ambassadeur pour la paix universelle, qui revendique son appartenance au Front de libération nationale (FLN), a déclaré au lendemain de la démission de Bouteflika : « L’Algérie a toujours pris des positions pour la libération de l’Afrique. Et elle ne veut pas d’ingérence des pays occidentaux. Surtout, nous du Front de libération nationale (FLN) préférons que la France ne se mêle pas de ce problème en Algérie. Nous FLN, nous avons déjà pardonné à la France », a-t-il confié au journal burkinabè L’Observateur Paalga, espérant que les « événements débouchent sur l’apaisement ».

Si Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, a exprimé le 17 mars sa pleine solidarité avec le peuple algérien, qui « trouvera, en lui-même, les ressources nécessaires pour relever les défis de l’heure et jeter les bases du renouveau national souhaité », n’a depuis fait aucune déclaration.

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