Ekmeleddin Ihsanoglu
Secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique (OCI)
Cet universitaire turc spécialisé dans l’histoire des sciences, de la culture et de la théologie islamiques a été élu l’an dernier secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). C’était lors du 10e sommet, à Kuala Lumpur (Malaisie)… Son élection, il la doit autant à son impressionnant CV qu’au soutien du gouvernement d’Ankara.
En prenant ses fonctions, au mois de janvier suivant, le Pr Ekmeleddin Ihsanoglu (62 ans) avait parfaitement conscience de l’immensité de la tâche qui l’attendait. Venant d’un pays qui, au temps de l’Empire ottoman, incarna la Oumma, la communauté des croyants, il hérite d’une organisation qui souffre d’un déficit de « visibilité », comme l’on dit aujourd’hui, et pâtit considérablement des rivalités entre certains de ses membres (Arabie saoudite et Iran, notamment) dans un contexte plus que difficile pour le monde musulman : guerres en Afghanistan et en Irak, conflit au Darfour, cycle infernal Intifada-répression dans les territoires occupés par Israël… Mais le principal défi auquel l’OCI est aujourd’hui confrontée est évidemment le terrorisme, phénomène trop volontiers assimilé à l’islam, au moins en Occident, dès lors que les terroristes se réclament abusivement de lui.
L’OCI regroupe cinquante-quatre pays qui présentent d’énormes disparités en matière de développement économique. Au mois de mars dernier, à peine installé à Djeddah, où se trouve le siège de l’organisation, Ihsanoglu entreprend une tournée dans six pays africains : Burkina, Gambie, Mali, Niger, Sénégal et Tchad. Dans son esprit, il s’agit de mettre en application l’un des principes de base de l’organisation – la solidarité islamique -, non par des discours mais par des programmes concrets. Son périple subsaharien a pour objectif d’identifier les besoins des uns et d’optimiser la capacité des autres à aider leurs coreligionnaires. Les fronts sont nombreux : combat contre les diverses pandémies, lutte contre la pauvreté par la mobilisation des ressources des institutions financières et des organisations caritatives islamiques, réorientation des flux financiers en provenance des pays membres les mieux pourvus vers les moins favorisés… « Il ne s’agit pas de travailler uniquement dans l’urgence, explique-t-il, mais de planifier des opérations de développement. Il faut réussir à concentrer les énergies là où les musulmans en ont le plus besoin, mais pour des solutions durables. »
Précis, pondéré, ce brillant intellectuel a travaillé sous toutes les latitudes et dispose d’un carnet d’adresses assez exceptionnel. Le 14 septembre, lors du Sommet du millénaire, au siège de l’ONU, à New York, Ihsanoglu a beaucoup contribué à la définition de la notion de terrorisme. En marge de la manifestation, il a rencontré Ahmed Ould Sid Ahmed, le chef de la diplomatie mauritanienne, pour s’enquérir des suites du coup d’État du 3 août à Nouakchott. Mais il s’efforce également de résoudre la crise du Darfour et suit de près les campagnes de vaccination contre la poliomyélite en Afrique australe, ainsi que l’acheminement de l’aide destinée au pays islamiques frappés par le tsunami, en décembre 2004.
Lors de son passage au siège de J.A.I., le 6 octobre, Ihsanoglu arrivait de Strasbourg, où il a tenté de sensibiliser les eurodéputés aux difficultés actuelles du monde musulman. Le hasard a voulu que ce passionné de relations interculturelles et de dialogue interreligieux prenne la parole devant le Parlement européen à la veille du début des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE. Ce qu’il pense de cette hypothétique adhésion ? « Je reprendrais volontiers à mon compte, dit-il, une phrase du chanteur français Enrico Macias : « On dit souvent que l’Europe serait un cadeau pour la Turquie en oubliant de préciser que la Turquie serait également un superbe cadeau fait à l’Europe. » »
Sa priorité du moment : l’organisation d’un sommet extraordinaire de l’OCI, du 5 au 7 décembre à La Mecque. « Ce sera une sorte de brain-storming auquel seront conviés les chefs d’État de l’OCI, en même temps qu’une centaine d’universitaires et de théologiens, précise le secrétaire général. Mais il ne s’agira pas d’une rencontre entre pouvoirs exécutifs et sociétés civiles. Chaque invité sera là à titre individuel et présentera ses réflexions sur les grands sujets de l’heure. » L’initiative de ce sommet revient au roi Abdallah d’Arabie saoudite. « Il m’avait fait cette suggestion alors qu’il était encore prince héritier et m’a demandé d’engager les démarches nécessaires. Les financements ont été identifiés et les préparatifs vont bon train. »
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