Fraude fiscale : les Émirats arabes unis au cœur des critiques
Depuis mars, les Émirats arabes unis ont fait leur retour sur la liste noire de l’Union européenne (UE) en matière de paradis fiscaux. Une décision qui fait débat, notamment en France, avec qui les échanges sont nombreux.
Les Émirats arabes unis (EAU) avaient été retirés de la liste de l’institution communautaire en 2017. Avant, donc, de la réintégrer en 2019, quelques mois après la publication des « Dubaï Papers », lesquels ont dévoilé au grand jour les pratiques de ce petit État du Golfe en matière financière et fiscale. L’occasion pour le média Opinion internationale d’organiser, début avril au sein de l’Assemblée nationale française, une conférence-débat sur la question.
Le député de Haute-Garonne Sébastien Nadot, Anthony Bellanger, journaliste à BFMTV et France Inter, Nabil Malek, homme d’affaires franco-égyptien auteur de Dubaï, la rançon du succès, et Pierre-Louis Vernhes, ingénieur et observateur avisé des EAU où il a vécu dix ans, se sont réunis pour répondre à la question : « pourquoi les Émirats arabes unis sont-ils à nouveau classés dans la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne ? »
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« Les Émirats sont un pays nouveau, nés il y a à peine plus de trente ans. La volonté d’attirer les compétences et les investisseurs chez eux sont derrière la volonté d’en faire un paradis fiscal », explique Nabil Malek. « Cette porte grande ouverte aux multinationales et aux hommes d’affaires, qui pouvaient sans contrôle acheter des biens immobiliers et placer leurs avoirs aux Émirats, a longtemps occulté le problème du blanchiment. Les EAU ont sur ce plan poussé la logique néolibérale jusqu’au bout », ajoute-t-il.
Idylle franco-émiratie
La société Helin, dirigée par des Français, est notamment soupçonnée par une enquête du Parquet national financier d’avoir mis en place aux Émirats un système permettant de protéger l’identité de clients européens dont la situation fiscale est irrégulière. Essentiellement des sociétés, mais aussi des particuliers. « Un ménage français disposant de 10 000 euros aura probablement beaucoup moins après impôt. Placer son argent aux Émirats est donc devenu un investissement », poursuit Nabil Malek.
L’occasion pour le député La République En Marche ! Sébastien Nadot de pointer la relation privilégiée de la France avec ce pays du Golfe. Au sein de l’Assemblée nationale, c’est lui qui a pris le flambeau de la critique. Le député toulousain est notamment à la tête d’un groupe de parlementaires qui réclament davantage de transparence dans les ventes d’armes françaises aux pays de la coalition engagés dans la guerre au Yémen.
Éducation, culture, entreprises, ventes d’armes : il n’y a aucun domaine dans lequel la France et les Émirats n’ont pas de coopération
« Le prince héritier Mohamed Ben Zayed est venu en France en novembre 2018 et a été accueilli à bras ouverts, c’était l’occasion de prolonger les nombreux partenariats franco-émiratis, poursuit-il. Si on regarde, il n’y a aucun domaine dans lequel la France et les Émirats n’ont pas de coopération. Dans l’éducation, la culture, les entreprises mais aussi les ventes d’armes. La France est le troisième fournisseur d’armes des Émirats. » L’intégration des EAU à la liste européenne des paradis fiscaux peut-elle écorner cette belle relation ? « Rien n’a changé avec ce pays », tranche Sébastien Nadot.
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De son côté, le gouvernement émirati a « regretté » la décision de l’Union européenne de l’inscrire sur une liste de pays peu coopératifs en matière de fiscalité, affirmant au contraire œuvrer progressivement pour se conformer aux exigences de l’UE. « Cette inclusion a été faite en dépit de l’étroite coopération des Émirats avec l’UE sur cette question et des efforts en cours pour satisfaire toutes les exigences de l’UE », indique en outre un communiqué relayé par l’agence officielle WAM. Pour Pierre-Louis Vernhes, c’est précisément le retard dans l’application des mesures conjointement décidées avec les Émirats pour ne pas intégrer la liste qui a provoqué cette décision européenne.
Les intervenants, notamment Nabil Malek, n’ont pourtant pas manqué de souligner une certaine « hypocrisie » européenne en matière de lutte contre la fraude fiscale. « Les Européens visent un pays non-européen, quand d’autres qui relèvent de leur législation – comme le Luxembourg, paradis fiscal notoire – sont exemptés de toute critique. »
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