Côte d’Ivoire : pourquoi il faut accepter le schéma de l’ONU

Publié le 24 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Non, il n’est pas vrai que l’ONU n’a fait qu’entériner les propositions de l’UA sur une transition en Côte d’Ivoire après le 30 octobre 2005. Elle les a plutôt habilement revues et amendées dans le meilleur sens possible. Une bonne lecture de la déclaration du ministre roumain des Affaires étrangères, dont le pays préside actuellement le Conseil de sécurité, publiée à l’issue des consultations sur la Côte d’Ivoire le 13 octobre dernier, permet de dégager quelques points saillants. Ces derniers corrigent avec grande intelligence le malaise perceptible après l’adoption de la résolution du Conseil de paix de l’UA le 6 octobre 2005.
Ainsi, alors que le communiqué d’Addis-Abeba s’énonce : « Communiqué… du Conseil de paix et de sécurité sur la situation en Côte d’Ivoire », la déclaration de New York établit une priorité essentielle et absolue et cible « […] les mesures nécessaires pour l’organisation des élections en Côte d’Ivoire d’ici au 30 octobre 2006 ».
De plus, à deux reprises, le texte de l’ONU mentionne la nécessité d’organiser « des élections libres, justes, ouvertes, transparentes et crédibles ». Cette préoccupation n’apparaît nulle part dans la résolution de l’UA.
L’omnipotence du médiateur Thabo Mbeki, qui irritait l’opposition, se trouve ici fortement réduite, même si on lui rend un hommage mérité. À preuve, le Conseil a entendu le ministre des Affaires étrangères du Nigeria représentant du président en exercice de l’UA et le commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité (nulle mention de ministre ou d’ambassadeur d’Afrique du Sud). Le Conseil reconnaît en outre les présidents Obasanjo et Mbeki comme acteurs conjoints dans la médiation et soutient leur prochaine mission en Côte d’Ivoire.
Le Conseil de sécurité, tout en faisant sienne la Résolution du 6 octobre, « exprime son intention de prendre au plus vite toutes les mesures nécessaires pour appuyer comme il convient sa mise en oeuvre afin d’organiser des élections libres… aussitôt que possible et au plus tard le 30 octobre 2006 ». Cette insistance sur les modalités et sur le calendrier, partout présente dans la déclaration, mérite attention.
Enfin, le Conseil engage les parties à coopérer avec la prochaine mission Obasanjo-Mbeki en vue notamment « d’assurer l’application de la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’UA et la nomination rapide d’un Premier ministre acceptable pour toutes les parties ».
On remarquera que l’instance de nomination du Premier ministre s’ouvre désormais à une concertation élevée au niveau de la nouvelle médiation et des parties ivoiriennes, sans possibilité d’un acte unilatéral de qui que ce soit. Au surplus, l’expression « nouveau Premier ministre » utilisée dans la résolution de l’UA n’est pas reprise dans la déclaration de New York. Le Conseil de sécurité se détache ainsi du jeu malsain de piteuse consolation recherchée par quelques-uns qui tiennent à s’offrir un agneau du sacrifice en la personne de l’actuel Premier ministre Seydou Elimane Diarra, symbole à leurs yeux de l’humiliation subie à Marcoussis. Au demeurant, cette absurde et nulle revanche, si elle finit par s’étaler, ne changera rien à la transition qui s’impose désormais.
Il faut donc attendre de lire attentivement la résolution qui sera adoptée par le Conseil de sécurité dans quelques jours pour se rendre finalement compte que le maintien temporaire de Laurent Gbagbo à la tête de l’État ne signifie nullement qu’il pourra user de sa position pour gérer les élections à sa guise. Le nouveau tableau des autorités à Abidjan fait du Premier ministre le personnage central de la scène politique avec, en appui, des renforts internationaux de sécurité qui, visiblement, se mettent en place en même temps que l’arsenal des sanctions individuelles et la montée en puissance d’une Commission électorale indépendante, arrachée au forceps.
Comme au Bénin après la Conférence nationale de 1990, une transition de quelque trois cents jours s’installe bel et bien en Côte d’Ivoire malgré les rodomontades de certains et les excès de langage des jusqu’au-boutistes de tous bords. Ainsi, après trois années de sanglantes tergiversations, l’accord de Marcoussis s’appliquerait enfin en vue du choix d’un président reconnu par tous comme légitime, réconciliateur suprême de la nation, digne successeur de Félix Houphouët-Boigny. En vérité, le pire n’est jamais sûr… Et la Côte d’Ivoire peut faire aussi bien sinon mieux que le Liberia voisin…

* Albert Tévoédjrè est ancien secrétaire général adjoint de l’ONU.

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