Joël Nana Kontchou, de l’énergie à revendre

À 52 ans, cet ingénieur prend les rênes de l’électricien Sonel, au Cameroun. Ses talents de meneur d’hommes, acquis chez Schlumberger, lui seront utiles pour remettre de l’ordre dans l’ancienne compagnie nationale.

Le nouveau patron de Sonel a fait toute sa carrière dans le secteur pétrolier. © Vincent Fournier / JA

Le nouveau patron de Sonel a fait toute sa carrière dans le secteur pétrolier. © Vincent Fournier / JA

Clarisse

Publié le 25 août 2014 Lecture : 4 minutes.

Silhouette longiligne, costume gris, sourire avenant, Joël Nana Kontchou nous reçoit à l’hôtel Sheraton de l’aéroport de Roissy, près de Paris, entre deux avions. Il s’apprête à rejoindre une dernière fois les bureaux de Schlumberger à Houston, au Texas, après avoir fait ses adieux à ses équipes sur le continent.

Directeur général des régions Afrique centrale et Afrique de l’Ouest pour le leader mondial des services pétroliers, l’ingénieur électromécanicien de 52 ans tourne une page de sa carrière après presque trente ans passés au sein du groupe. Le 11 août, il prendra les rênes de Sonel, l’ex-Société nationale d’électricité du Cameroun, privatisée en 2001 et désormais propriété du fonds d’investissement britannique Actis, qui a racheté en mai les 56 % du capital auparavant détenus par AES.

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Celui qui se vante de ne pas appartenir au sérail, s’agace quand on le dit « coupé des réalités du pays ».

Joël Nana Kontchou s’amuse de sa « soudaine célébrité », lui qui, chez Schlumberger, a gravi les échelons en toute discrétion. Il rit de bon coeur des commentaires dubitatifs ou flatteurs que provoque sa nomination. Certains assurent que le gouvernement camerounais, actionnaire à 44 % de Sonel, aurait envisagé de la rejeter en raison de son origine bamilékée (Ouest). Il balaie du revers de la main cette théorie du « blocage ethnique ». Selon lui, c’est son parcours dans l’industrie pétrolière qui a fait débat.

Dossiers brûlants

Il admet avoir tout à apprendre des métiers de l’électricité – et rappelle que ce sont des chasseurs de têtes qui l’on contacté, sans quoi il n’aurait jamais pensé postuler. En effet, après avoir pris le contrôle de Sonel pour un montant de 220 millions de dollars (environ 161 millions d’euros), Actis recherchait un manager camerounais ayant une expérience internationale. De ce point de vue, Joël Nana Kontchou, qui a eu à diriger jusqu’à 2 500 salariés d’une quarantaine de nationalités, avait parfaitement le profil.

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Alors qu’il aurait pu faire valoir ses droits à la retraite dans deux ans, celui qui se vante de ne pas appartenir au sérail, mais s’agace quand on le dit « coupé des réalités du pays » – même s’il n’a jamais travaillé au Cameroun -, a choisi de descendre dans la fosse aux lions. Réclamations des clients devant des factures qui ne reflètent pas leur consommation, vétusté des équipements, systèmes de facturation et de paiement archaïques… Nombre de dossiers chauds l’attendent déjà sur son bureau. Sans oublier les quelque 34 milliards de F CFA d’impayés (près de 52 millions d’euros) à recouvrer auprès des seuls clients particuliers… La tâche s’annonce ardue.

L’arrivée de Joël Nana Kontchou changera-t-elle la donne pour Sonel ? Ceux qui attendent une révolution dès sa prise de fonctions en seront pour leurs frais, confie-t-il. En revanche, pour chaque problème identifié, il promet une stratégie qui devrait produire des effets dix-huit à vingt-quatre mois plus tard.

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Fondamentaux

Son leitmotiv : le retour aux fondamentaux. Celui qui paie pour un service doit pouvoir en profiter ; l’électricité doit être disponible ; il faut juguler l’inquiétante déperdition d’énergie liée aux connexions frauduleuses ou à la mauvaise qualité du réseau, qui contraint l’entreprise à facturer jusqu’à 30 % d’énergie en moins par rapport à ce que produisent les centrales.

Joël Nana Kontchou parle de réduction du nombre d’échelons hiérarchiques pour mieux faire circuler l’information, d’optimisation des coûts, de plans de formation et de gestion des carrières… Surtout, il veut que l’usager soit mieux traité. Il est inadmissible de devoir faire quatre heures de queue pour régler une facture, pointe-t-il. Pour améliorer les choses, il entend mettre en place, comme il l’a fait chez Schlumberger, des indicateurs permettant de mesurer la qualité de la relation clients.

Parmi ses autres ambitions : faire passer de 20 % à 50 % d’ici à l’année prochaine le taux d’utilisation du paiement électronique. Ou encore, favoriser la montée en puissance des compteurs prépayés rechargeables comme des téléphones portables. Dernier chantier majeur : trouver des sources de financement complémentaires pour pouvoir investir et répondre à une demande en énergie en hausse annuelle de 6 %.

La détermination ne manque pas chez ce marathonien, père de quatre grands enfants, dont deux étudient à Harvard, et qui ne veut surtout pas être perçu comme un pompier mandaté pour éteindre le feu dans la maison Sonel. Diplomate, Joël Nana Kontchou n’oublie pas de saluer le rôle de son prédécesseur, Jean David Bilé : « Un homme expérimenté qui a fait son travail dans des conditions difficiles avec un actionnaire principal peu enclin à investir davantage et des employés démotivés par cette incertitude. »

Attaché à la méritocratie, il promet que les plus motivés seront valorisés et les moins investis, sanctionnés.

Collectif

Aux associations de consommateurs doutant qu’il ait toute la latitude nécessaire pour faire de Sonel le fleuron dont il rêve, il rétorque que les rôles sont bien répartis sur le papier : aux Britanniques la mobilisation des investissements et la définition des objectifs, à lui la constitution des équipes, la gestion opérationnelle et celle des 600 millions de dollars de chiffre d’affaires de l’entreprise, sous le contrôle du conseil d’administration. Il faudra voir comment fonctionne ce schéma à l’épreuve des faits.

Quoi qu’il en soit, Joël Nana Kontchou ne se considère pas comme un homme providentiel. Pour lui, c’est collectivement qu’il faudra relever le défi. L’ex-étudiant de l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, qui aura comme collaborateurs plusieurs anciens camarades, prône une gestion participative dans laquelle chacun, à son poste, apporte sa pierre. Attaché à la méritocratie, il promet que les plus motivés seront valorisés et les moins investis, sanctionnés. Pour autant, pas de plan de restructuration en vue. Il évoque au contraire de nouveaux recrutements pour remplacer les nombreux départs à la retraite qui se profilent.

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