[Tribune] Maghreb : Trans Africa Express

Alors que les pays du Maghreb ont été tournés pendant des décennies vers le Nord, la route transsaharienne, qui reliera Alger à Lagos devrait renforcer l’intégration sahélo-saharienne.

Berrouaghia, à près de 90 kilomètres au sud-ouest d’Alger, chantier de la nouvelle autoroute transaharienne (image d’illustration). © habib kaki/CC/Flickr

Berrouaghia, à près de 90 kilomètres au sud-ouest d’Alger, chantier de la nouvelle autoroute transaharienne (image d’illustration). © habib kaki/CC/Flickr

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  • Alexandre Kateb

    Diplômé de l’Ecole Centrale Paris et de Sciences Po Paris, Alexandre Kateb dirige le cabinet de conseil et d’analyse COMPETENCE FINANCE.

Publié le 11 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

Les accords d’association qui ont été signés entre le Maghreb et l’Europe, depuis les années 1970 et jusque dans les années 2000, ont matérialisé ce tropisme issu de l’histoire coloniale. Pourtant, du IXe au XVIe siècle, les royaumes du Maghreb ont développé des échanges intenses avec les royaumes subsahariens, comme l’empire du Ghana et l’empire du Mali. Dans les années 1980, la Libye a tenté de reconstituer la Communauté des États sahélo-sahariens.

À partir des années 2000, le Maroc a intensifié ses échanges avec les pays d’Afrique de l’Ouest, dans le cadre d’une diplomatie économique très active. Cette dynamique devrait connaître un nouvel élan avec l’achèvement imminent de la route transsaharienne, qui reliera Alger à Lagos, en couvrant la Tunisie, le Niger, le Mali et le Tchad. Une réouverture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc permettrait également à ce dernier de s’y associer.

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Intégration panafricaine

Ce grand projet, dont le tracé s’étend sur 9 500 km, porté par l’Algérie à hauteur de 3 milliards de dollars et par le Nigeria pour 1 milliard de dollars, constituera un vecteur essentiel d’intégration panafricaine. Il reste à bitumer 220 km au Niger et 700 km sur le tronçon malien. À cela s’ajoute le maillage en fibre optique, déjà effectif sur la partie algérienne, qui pourrait progressivement être étendu aux autres tronçons.

Une fois achevée, la Transsaharienne permettra de désenclaver une région de 400 millions d’habitants et de créer des emplois – notamment pour les femmes et les jeunes – dans la transformation agro-industrielle et les services connexes.

À elle seule, l’Algérie importe près de 10 milliards de dollars de produits alimentaires par an. Des centaines de millions de dollars sont dépensés pour fournir café, cacao, huile d’arachide, fruits et légumes exotiques à la population. Autant de produits qui pourraient être importés à moindre coût par voie terrestre, directement depuis le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali.

Un impératif stratégique

Les populations urbaines et périurbaines du Sahel gonflent inexorablement sous l’effet d’un exode rural continu, catalysé par le dérèglement climatique, l’insécurité et l’absence de perspectives en milieu rural. Les pays de la région doivent créer des millions de nouveaux emplois pour absorber une population active en forte croissance et contenir la vague des jeunes candidats à l’exil.

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Selon Abdoullah Coulibaly, président du Forum de Bamako, pour répondre à ces attentes, il faut « mieux intégrer les composantes économique, migratoire et sécuritaire dans les nouveaux programmes de développement améliorés des pays africains ».

Dans ce contexte, l’intégration sahélo-saharienne est un impératif. Selon une étude de la Badea, les échanges des pays enclavés du Sahel avec l’Europe mettraient quinze jours pour arriver à destination via la Transsaharienne et les ports d’Afrique du Nord, contre quatre-vingt-dix jours en passant par les ports du golfe de Guinée.

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Les anciennes routes caravanières ressuscitées

Les institutions multilatérales et leurs partenaires (Union africaine, Union européenne, Chine) devraient accorder la priorité à la Transsaharienne et à son interconnexion avec l’autoroute Ouagadougou-Abidjan, en cours de réalisation. La jonction serait ainsi assurée avec la route côtière reliant Tanger à Lagos, en passant par Dakar et Abidjan, ainsi qu’avec la Transsahélienne, qui doit relier Dakar à Djibouti en passant par les pays sahélo-sahariens.

Ces interconnexions, qui ressuscitent les anciennes routes caravanières, permettront de réaliser un aménagement concerté des territoires nationaux et d’accroître les échanges commerciaux et les investissements croisés entre les différentes zones régionales africaines.

Construire la grande région Afrique-Méditerranée-Europe

Dans le cas de l’Algérie, en plein bouleversement sociopolitique, cela s’apparente à un impératif stratégique, lui permettant de valoriser son immense territoire saharien et de fédérer autour d’un nouveau projet de développement à vocation continentale.

À moyen et long terme, il s’agit de construire la grande région Afrique-Méditerranée-Europe (AME), de faciliter la résolution des conflits intrarégionaux par le développement des zones défavorisées et de connecter l’espace saharo-sahélien aux nouvelles routes maritimes de la soie, dont la Transsaharienne et la Transsahélienne constituent des extensions terrestres naturelles.

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