Bannissons les fusées atomiques (les vôtres) !

Publié le 24 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

En 1968, le traité de non-prolifération nucléaire a offert un accord exceptionnel entre les cinq États détenteurs d’armes atomiques et le reste de la communauté internationale. En échange d’une renonciation des puissances non nucléaires à se doter de telles armes, les cinq États s’engageaient à réduire voire à éliminer leur propre arsenal.
Contrairement à cet engagement, l’équipe Bush s’est désintéressée du traité sur les fusées antibalistiques et s’est rapprochée d’une importante fraction du Parti républicain opposée au traité d’interdiction des essais nucléaires. Le Pentagone étudie un nouveau type d’arme qui pourrait exiger une reprise des expériences.
Il est difficile de considérer que l’Amérique s’inquiète de la prolifération nucléaire quand elle agit en violation de l’esprit du traité de non-prolifération. Dans une nouvelle atteinte aux règles de non-prolifération, Washington a excusé plusieurs de ses alliés dont les tendances nucléaires n’ont jamais été réglementées.
Le Pakistan a été le premier bénéficiaire de cette générosité, dès lors que sa coopération à la « guerre contre le terrorisme » a permis d’oublier les exportations d’Islamabad en savoir-faire et technologie nucléaire illégale à des « États voyous » comme l’Iran et la Corée du Nord. Histoire d’équilibrer un peu les choses, l’Inde, en juillet dernier, a été accueillie avec sympathie dans le « club nucléaire », bien qu’elle snobe ouvertement le Traité de non-prolifération.
Tout cela nous amène au cas embarrassant de l’Iran. Téhéran a exploité les ambiguïtés du traité de non-prolifération et les contradictions de la politique américaine. Le traité de non-prolifération garantit aux États membres le « droit inaliénable » d’« utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ». Cette clause a été interprétée comme donnant auxdits États membres le droit d’enrichir l’uranium.
On redoute, néanmoins, que l’Iran, dès qu’il aura maîtrisé le cycle de l’enrichissement, soit en mesure d’assembler une bombe. Le très subtil directeur de l’AIEA, Mohamed el-Baradei, a suggéré en mai dernier un moyen de sortir de l’imbroglio iranien, lors de la conférence sur le traité de non-prolifération : on appellerait l’ensemble des États à suspendre pour cinq ans toute activité d’enrichissement, jusqu’à ce qu’un système d’inspection plus sûr soit mis au point. L’État qui, systématiquement et avec le maximum de succès, a combattu cet effort n’est autre que les États-Unis.
En subordonnant la prolifération à d’autres objectifs stratégiques, l’administration Bush prête le flanc aux accusations d’hypocrisie. Les diplomates iraniens ne manquent pas d’évoquer le cas de l’Inde, pour souligner que Washington se soucie moins de la prolifération que de son opposition au régime théocratique de Téhéran quand il veut renvoyer l’Iran devant le Conseil de sécurité.
Aggravant tout cela, se trouve l’héritage de l’Irak, quand l’administration Bush manipula les rapports des services de renseignement sur le potentiel nucléaire irakien, pour justifier sa décision d’intervenir.
La guerre d’Irak et le mépris de l’équipe Bush pour les résolutions du Conseil de sécurité, voire l’opinion publique, ont miné à tel point la crédibilité de l’Amérique qu’elle peut être aujourd’hui défiée avec succès par l’Iran.
Depuis le 11 Septembre, l’administration Bush a défini comme objectif majeur la mise en échec de toute prolifération « des armes les plus dangereuses du monde ». Au terme de ses cinq premières années de pouvoir, elle n’a pas seulement échoué à résoudre le problème iranien ; elle a gravement altéré les règles mondiales de la non-prolifération.

* Charles D. Ferguson et Ray Takeyh sont membres du Conseil des relations étrangères, à Washington.

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